L’AVENTURE MAXXIMUM – EPILOGUE: MICKAËL BOURGEOIS (1ERE PARTIE)

Mickaël Bourgeois a été l’artisan du son Maxximum, le programmateur musical qui a ouvert les vannes de la musique house, techno, garage, Pop Européenne, Pop US sur les ondes de la toute nouvelle radio créée par RTL en 1989, un 23 octobre, il y 29 ans et onze mois. Le directeur des programmes de RVS à Rouen est venu avec Eric Hauville et Olivier Devriese pour concevoir ce programme novateur, très rythmé, original dans le ton et dans le son, aux côtés de Michel Brillié, Jean-Noël Auxiette, Erick Peleau, Xavier Bise, Jocelyne Buisson et de nombreux autres personnalités du monde de la radio. Ils ont pensé une toute nouvelle radio et lui ont donné ses deux lettres de noblesse, le double X. L’antenne était un sanctuaire protégé… ultra-pensé avec des règles à ne pas enfreindre. Il fallait rentrer dans le produit quand un animateur mettait les pieds sous la console Pacific et les 20 à 30 secondes d’intervention max devaient être écrites, et plutôt bien écrites, avec du vocabulaire riche. On ne se moquait pas de la tête du client à Maxximum. Et le client, visiblement s’en rendait bien compte et adorait ce traitement de faveur… Le succès de Maxximum – pour un réseau français naissant d’une quarantaine de fréquences – a été immédiat et sans doute qu’on le doit à un philosophe de la radio musicale aujourd’hui consultant et passé par RVS, Pschent!, Maxxima, Europe 2 Prague, Cocktail FM ou encore Atoll Music et autres consulting en France et en Europe. Mickaël Bourgeois est un homme aux mille vies créatives qui se réalise encore aujourd’hui dans le consulting radio et le karting de haut niveau. Interview du « cerveau » et des deux oreilles qui ont fait le son Maxximum en programmant toute cette nouvelle musique venue du monde entier.

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CHAPITRE 1. LA GENÈSE DE MAXXIMUM

L’actualité Maxximum, Mickaël Bourgeois, cette date du 23 octobre 1989 , qu’est-ce qu’elle vous inspire ?

Mickaël Bourgeois : Un souvenir extrêmement important dans ma carrière et ma vie personnelle. La création d’une nouvelle radio était rare à l’époque dans un marché figé. La Cinq de Berlusconi venait de se créer. On était dans les années 80, il y avait encore des possibilités. Pour la radio en général et pour le media qu’on mettait en place, c’était très nouveau, de nouvelles techniques de programmation (avec Selector, on en parlera un peu plus tard), en marketing, dans le rédactionnel, la programmation musicale était à part, l’animation aussi. Dans le monde de l’audiovisuel, on a été important et les concurrents ne s’attendaient pas à ça. La stratégie de RTL était assez claire, prendre place dans un milieu de la FM qu’elle n’avait pas comprise. Le groupe CLT qui possédait RTL et M6 en France avait acheté Aventure FM.

Vous avez bien compris que la radio Maxximum allait devenir une épine dans le pied des concurrents ?

J’avais appelé Le Selector « Max », allusion au dirigeant de la panthère ! Quand je disais que « Max » ne voulait pas programmer un titre en général , les attachés de presse des maisons de disques ne savaient pas toujours qui était ce « Max ». Certaines ont même demandé à Max Guazzini pourquoi il ne voulait pas de leur titre. Max Guazzini l’a bien pris au début.

Quelles ont été les méthodes de travail appliquées au début de Maxximum? 

De la décontraction, un ton nouveau, on aimait dire qu’on ne se prenait pas au sérieux mais on bossait énormément en amont. Il y avait un respect des auditeurs. J’en avais marre d’entendre les animateurs de la FM se moquer des auditeurs en direct ! Certaines émissions faisaient leurs choux gras de cette relation. Nous l’avons interdit. Les règles d’antenne, en tant que responsable d’antenne et des programmes d’RVS, je les avais couchées dans une bible avec Eric Hauville, sur papier rouge SVP afin de ne pas pourvoir les imprimer et les lire en live dans mon bureau avec une feuille à signer avec date. J’étais en charge de la production, des animateurs et de la musique. On a démarré avec une seule fréquence à Rouen et on a terminé avec 17 fréquences. On a notamment fait évoluer par exemple Olivier Baroux de Caen à Rouen. J’organisais des écoutes de piges antenne à RVS, la grille des animateurs évoluait dans la longueur. On des animateurs et animatrices qui restaient cinq, six, sept ans. Ce n’était pas le cas à NRJ. On faisait un travail de formation, d’écoute après chaque émission. Olivier Devriese m’avait conçu un magnéto à bande qui se déclenchait dès que la lumière rouge du micro s’allumait. Je disais ensuite aux animateurs « ça je veux, ça je ne veux pas… », c’était de la rigueur.

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Avant même que le projet Maxximum ne soit lancé, Eric Hauville, le patron de RVS était en contact avec le directoire de la CLT. Il les conseillait sur leur développement depuis pas mal de temps. Avec l’explosion de la FM, la CLT et le groupe Lagardère étaient dans une posture étonnante. Ils n’y croyaient pas, ils se disaient « on va les laisser s’amuser, on reprendra la main… » Notre travail était de leur faire prendre conscience du potentiel de la radio musicale généraliste. RVS était la première radio à obtenir le Selector et à l’avoir acheté. On avait les toutes premières versions que les radios US programmaient sur leur network. RCS a toute de suite compris que nous demandes, nos souhaits étaient différents. Nous avions basculé ensemble dans le monde professionnel de la programmation musicale, avec une répartition des catégories de titres par tranches horaires. Avec le Selector la matière grise du directeur des programmes, son savoir faire, ses idées étaient retranscrites dans l’ordi.

michael Mickaël Bourgeois, la passion du karting à son maximum.

Comment avez-vous pris conscience qu’il se passait quelque chose d’important outre-Atlantique pour votre carrière de programmation au sein de RVS puis de la CLT ?

En fait, mon expérience de la programmation vient aussi de mes voyages aux Etats-Unis, les maisons de disques m’invitaient aux USA. Une d’entre elles m’avait proposé d’assister à un concert des Scorpions. Je ne garantissais jamais à ces maisons de disques que je programmerai leurs groupes après ces voyages. Je profitais de ces voyages pour écouter Power106 (KPWR) ou KIIS-FM à Los Angeles ou HOT-97 (WQHT) à New York. Je revenais auprès de Eric Hauville pour lui expliquer comment la production des jingles et de l’antenne se faisait. J’ai aussi pas mal travaillé auprès d’autres radios régionales qui se montaient. J’ai failli participer au lancement de WIT FM à Bordeaux (radio crée par le président des Girondins de Bordeaux sur les cendres de Hit FM) auprès de Jean-Louis Morin (un ancien journaliste de RMC). Il était en observation à RVS pour créer ses dossiers de fabrication et d’organisation auprès de ces actionnaires WIT FM. Il est venu deux fois une semaine complète dans mon bureau rouennais pour prendre des informations sur notre façon de travailler. Jean-Louis Morin souhaitait que je dirige sa radio mais Eric Hauville m’avait demandé de ne pas bouger car un très gros projet était dans les tuyaux… J’ai donc suggéré à Jean-Louis de prendre contact avec Christophe Sabot qui ne bossait pas à cette période.

C’est de là que vient le concept de Maxximum, vous étiez déjà un peu sous pression pour trouver une recette qui marche ?

Non, on n’avait aucune pression, que ce soit Eric Hauville le patron du projet, Olivier Devriese le chef de la technique ou moi, on savait ce qu’on voulait faire. RTL avait une totale confiance et était informé de l’évolution des dossiers en cours. Il n’y a pas plus rationnel et cartésien qu’Eric Hauville, donc très rassurant ! Nous étions en adéquation immédiatement dans l’approche du travail avec la CLT.

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CHAPITRE 2- Eric Hauville, la Bible des programmes et Pschent!

Comment avez-vous connu Eric Hauville?

J’ai connu Eric Hauville, Luc Dentin en Septembre 1981 suite à une maquette que j’avais envoyée et grâce à laquelle j’ai été retenu en tant qu’animateur ! Ma vie commençait réellement. A cette époque j’étais animateur et réalisateur de plusieurs émissions sur Radio Soleil et Radio Néon à Petit Couronne. J’ai été bénévole à RVS pendant trois ans. J’y étais animateur, programmateur et pour faire des rentrées d’argent pour la radio des animations commerciales et mariages.

Eric travaillait souvent très tard et moi aussi, des oiseaux de nuit. Et c’est de là ou nous échangions sans cesse sur la radio, la programmation, les stratégies. En 1982 il me répétait sans cesse que jamais la programmation ne serait imposée. Mais je lui expliquais que RVS n’avait pas de conduite de programmation. Une session, je suis en Californie et quatre heures après j’entendais beaucoup de titres français, bref de la radio libre mais pas de radio FM. Et ça l’énervait mais force était de constater un plus tard que j’avais raison. La confiance s’installait au fur et à mesure. C’était une personne que je connaissais très bien.

J’ai travaillé avec lui pendant une quinzaine d’années. Il était brillant. Une personne avec de nombreux talents, un caractère trempé… Tout le monde a appris à son contact. Il nous a appris la rigueur. On était très proches avec Eric et Olivier Devriese, des garçons extrêmement brillants. Alors nous sommes partis faire Maxximum. On s’est développé ensemble. On y est allé les yeux fermés. On a beaucoup travaillé. Eric responsabilisait ses collaborateurs aux postes clés.

Il n’avait pas peur de travailler avec des gens qui avaient du talent. Dans les autres radios, ce n’est pas le cas. La lumière allait sur le chef. Lui, c’était tout le contraire. Ainsi Eric avait une totale confiance en nous, une exigence avec lui-même et donc une exigence avec ses équipes à Maxximum et à RVS.

Que fallait-il faire pour être un bon animateur à Maxximum ? Comment les gériez-vous ?

Il fallait calibrer les animateurs. Ces derniers n’étaient « que » des intervenants du produit. Leur seul talent, c’était de savoir ouvrir la bouche pendant vingt ou trente secondes ! Donner du matériel en adéquation avec le programme. On avait nos horloges, des quotas, des books antenne et les animateurs n’avaient qu’à suivre les directives. Ensuite c’est leur talent qui s’expose.

Deee Lite découvert par Mickaël Bourgeois et propulsé par Maxximum en 1990.

On insistait sur la technique, celui qui ne savait pas faire enchaînements, celui qui n’avait pas le sens de la réalisation, de mettre en valeur l’habillage, la programmation musicale… on le renvoyait en training. Et si ça ne fonctionnait pas, on ne le conservait pas. Les animateurs voulaient y arriver, à RVS aussi. Ils pouvaient repartir de Maxximum avec une très bonne carte de visite. Il y avait une rigueur, un cahier des charges.

RVS avait une excellente réputation dans le milieu de la FM ; quelle en était la raison ? Cela tenait au savoir faire et au faire savoir d’Eric ?

On était une équipe de professionnels installés à Rouen. Le produit RVS était excessivement respecté par les réseaux nationaux et les radios généralistes. Eric a contribué à la création du SIRTI, le syndicat (Syndicat des radios indépendantes, anciennement Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes) et il a cofondé (avec Jean-Eric Valli) le GIE des Indépendants (syndicat des radios régionales et locales indépendantes). Certains réseaux nationaux faisaient du lobbying pour nous empêcher de nous développer. Eric Hauville s’est rendu compte que c’était très politique, qu’il fallait être souvent à Paris. Il a très vite compris que la politique était partout. Il fallait voir les gens de la politique, les gens du CSA, faire du relationnel. Tout à coup, ça devenait beaucoup moins drôle pour lui. Pour les médias indépendants, il fallait être à cent pour cent présents auprès des gens qui décidaient. Ensuite l’équipe de RVS avait été triée sur le volet, n’importe qui ne rentrait pas à RVS, je parle des cadres, des responsables de chaque service et puis nous travaillions beaucoup, énormément, nous étions tous des passionnés certes mais dans le même sens ! Le produit, le produit et le produit. Eric nous rabâchait souvent la règle des 3 P.

Et RTL, c’était extrêmement politique ?

Oui, RTL nous a demandé de faire le maximum. Le groupe CLT a fixé ses exigences et Eric a dit « je viens avec mes gars ». Ensuite pour faire exister la radio, il fallait faire face au lobbying des réseaux concurrents. La loi anti-concentration a eu un impact sur le groupe CLT. En gros, c’était M6 ou Maxximum. Un des deux ne passerait pas et Eric Hauville le savait. La CLT voulait avoir sa télévision en France.

Eric Hauville s’est donc éloigné de son métier de faiseur de radios, de programmes… pour devenir un « homme politique » de média, c’est ça ?

J’ai grandi avec Eric, je le voyais, son enthousiasme, sa passion… il devenait adulte. Je lui disais « Eric, ne vieillis pas trop vite ! ». Maxximum a été une bouffée d’air, une station avant-gardiste, avec une musique qui n’existait pas vraiment médiatiquement mais qu’on a développé et qu’il aimait. Il appréciait cette nouvelle façon de vivre avec cette musique, cette philosophie et toute cette partie créative que l’on pouvait en faire et puis cette décadence… Ce courant musical qui devait soit disant disparaître est toujours omniprésent aujourd’hui mais si celle ci tourne en rond depuis quelques années.

Pouvez-vous me parler de Pschent, un très grosse réussite commerciale (un label qui a popularisé la musique lounge avec notamment des compilations « Hôtel Costes ») ?

Pschent, c’était le prolongement naturel, je pensais partir travailler pour d’autres radios mais Eric m’a dit « tu ne pars pas, tu restes avec moi. J’ai besoin de toi ». Je ne suis pas rester longtemps car la radio me manquait trop et la vie dans le label n’était pas assez speed. Trop de perte de temps pour mon profil !

Eric était-il un mentor ?

Oui, au début bien sûr ! La confiance s’est installée rapidement et nous sommes très vite devenus complémentaires. Nous discutions tous les jours de RVS, de l’équipe, du personnel, comment le faire évoluer, L’antenne comment faire pour la rendre plus performante. Des passionnés nous étions…

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Recuilli par David Glaser, à suivre l’Epilogue de l’Aventure Maxximum avec Mickaël Bourgeois jusqu’au 23 octobre sur suississimo.com.

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