Il y a un an, nous étions plusieurs mélomanes et electrophiles à célébrer les 30 ans de la naissance d’une radio importante à nos yeux : Maxximum. Un laboratoire en temps réel, partout en France et en Suisse qui passait une musique novatrice, rythmée, assemblée pour créer ce que les marketeurs appeleraient une expérience utilisateur sans commune mesure. Aujourd’hui, cette radio a été réinventée par les créateurs de FG Radio, Antoine Baduel en tête (nous y reviendrons plus tard dans Suississimo). A l’époque de la fin de Maxximum, version CLT (1989-1992), un jeune amateur d’ondes positives nommé Stanislas Roehrich a trouvé un créneau porteur, la musique electro à la radio. Il crée la radio Maxxima dans les années 2000 avec Mickaël Bourgeois de Maxximum et Philippe Esquirol. Je l’ai interviewé au printemps dernier sur cette aventure qui le mène aujourd’hui à produire la radio la plus intéressante (avec GRRIF et Couleur 3) sur le spectre DAB+, en matière de musique et de sons. L’expérience acquise depuis les années 80/90 et l’insouciance de ses jeunes années l’ont amené pas à pas à faire de Maxxima une radio écoutée et respectée sur le numérique.

Suississimo : Comment vous êtes-vous retrouvé dans ce monde de la radio et de la musique ?
Stanislas Roehrich : J’écoutais les radios suisses, quand j’avais 7/8 ans. La passion est venue tout de suite. J’ai économisé et très vite j’ai pu acheter un petit kit pour monter un émetteur FM expérimental. J’ai lu le livre d’instructions pour le faire marcher. Et il y a eu Maxximum, ses programmes, j’ai commencé à reprendre leur signal satellite pour les diffuser en pirate.
Tu t’es mis dans l’illégalité ?
Oui, à l’époque, il y avait une solidarité entre les radios et les auditeurs quand la police était à nos trousses. On nous prévenait que les émetteurs allaient être coupés. On essayait de jongler entre les émetteurs pour garder la diffusion de la radio, on essayait de changer de fréquences, de brouiller les pistes comme faisaient les radios pirates « jungle/drum and bass » à Londres.
« On était assez inspiré par les radios offshore dans les années 60, Radio Caroline en tête. »
Stan Roehrich
Cela n’avait rien à voir avec la vague des radios libres en France au début des années 80, on est 10 ans après. En Suisse, on avait les autorités de régulation d’un côté, la SSR de l’autre et il ne faut pas oublier que le monopole dans les télécoms a disparu plus tard qu’en France, pour saisir un émetteur le temps était long. On trouvait des sites d’émission chez des gens qui avaient des problèmes pour régler leur antenne télé, on les réglait pour eux et on installait notre émetteur. La frontière était aussi bien pratique pour allonger les procédures. On était assez inspirés car des pionniers avaient fait les radios offshore dans les années 60 (Radio Caroline en tête) et aussi les radios musicales qui avaient commencé en France dans les année 80. En 1990, l’Internet n’avait pas encore fait son entrée dans les maisons. La musique était le principal moteur de tout ça. Et puis c’est aussi une période où tu te fais plein de nouveaux amis qui ont les mêmes aspirations.
Quelles ont été tes premières armes en tant que créateur de web radio ?
Fin des années 90, il y a eu un boom des web radios. Ne pouvant plus jouer au chat et à la souris en FM, j’avais mis WBMB (The Boumbastik Network) 24/7 sur Internet (à partir de 1998). Du côté de Paris Philippe Esquirol, fan de Maxximum, avait créé 1000% electronic avec la plateforme ComFM. On ne se connaissait pas mais on est entré en contact dans les mois qui ont suivi car à cette époque il fallait se battre pour trouver des solutions fiables quand tu voulais servir les auditeurs via Internet (bande passantes, serveurs). Pour WBMB, ne pouvant avoir au début de l’histoire de connexions fiables, il fallait bricoler (des faisceaux hertzien faits maison) pour moduler quelques megabits par seconde de données en passant par un relais au Salève sans se faire repérer pour ensuite redescendre vers un point qui avait lui un accès fiable à Internet, les écoles et entreprises qui avaient une connexion avec le CERN. C’était très intéressant. Mais là encore, pas mal de gens trouvaient ça sympa et on avait souvent des portes qui s’ouvraient.
Et comment en es-tu venu à ce projet Maxxima ?
La demande de faire revivre l’esprit de Maxximum était très forte. L’émission dominicale consacrée à la radio avait été repérée sur le forum des maxximaniaques. L’émission était diffusée sur le flux de WBMB le dimanche. que l’on proposait avec Philippe Esquirol. En parallèle Philippe Esquirol avait ajouté le nom de Maxxima en plus de 1000% électronique sur son flux qu’il avait chez ComFM. Mais la politique de ComFM, la direction, les infrastructures étaient en train de changer chez eux. Le fait que lui et moi, passions pas mal de temps sur nos deux flux respectifs, on s’est dit « pourquoi ne pas unir nos forces? » On a dû imaginer ensemble une radio produite autrement. C’est la copine de Philippe qui avait trouvé le nom de Maxxima. Je voyageais beaucoup alors pour mon travail, je n’avais pas encore mon entreprise à cette époque. Il fallait moderniser notre petite entreprise. Dans la discussion d’unir nos forces Philippe m’a dit qu’il avait contacté un ancien de Maxximum et que dès que je monterai sur Paris, on se verrait tous ensemble. Il s’agissait de Mickaël Bourgeois, c’était une sacré surprise !
Après avoir passé un repas ensemble, on s’est mis d’accord pour lancer un flux ensemble, pour que 1000% electronic/Maxxima et WBMB deviennent un seul flux dans les jours qui suivraient. On a commencé à travailler sur le nouveau concept. On organisait la playlist, le système de rotation. J’avais tous les outils et on travaillait à distance avec Philippe et Mickaël après une seule rencontre. (Mickaël Bourgeois le programmateur de Maxximum, de son identité musicale, il fut aussi responsable de la programmation de 89 à 92). On a fait héberger 1000% electronic/Maxxima sur un site web à Genève. On n’avait pas encore de Content Management System (ndlr: logiciel de gestion en ligne d’un site) un amis de Philippe (Wolfphenix) nous en a développé un sur mesure pour obtenir une structure plus compétitive. On a travaillé ici à Genève pendant un temps et Mickaël est venu ici pendant un hiver. Je ne vivais pas de ça. Mais sur Maxxima, je faisais la technique et je l’hébergeais, Mickaël faisait de la programmation musicale, Philippe Esquirol s’occupait de la communication. On avait découvert des titres et on les faisait tourner dans le logiciel de diffusion. L’objectif était de se rapprocher de grosses radios en ligne comme Fréquence 3 en terme de présence (donc de bande passante, on ne voulait pas copier leur contenu). On a compris très vite qu’il ne fallait pas louer des serveurs à des entreprises qui partaient avec l’argent des abonnés. Alors on a monté nos propres serveurs, et puis des auditeurs adoraient nos programmes, alors ils ont mis des machines à notre disposition dans un datacenter. On était très content d’avoir pu obtenir ce coup de main de la part d’auditeurs (qui sont devenus des amis, et qui continuent de participer à l’aventure) On a pu échanger des services avec des entreprises qui avaient des serveurs en échange de pub. C’était l’époque de la débrouille pour avoir une présence fiable sur Internet.

Quels ont été les acteurs de Maxximum à rejoindre Maxxima ?
Mickaël Bourgeois, dés qu’on a réuni nos forces avec Philippe, à été la seule personne de Maxximum. Après nous avons toujours eu des contacts avec Eric Madelon, un pro de la communication engagé dans sa ville de Dreux, qui a aussi la direction de la radio régionale RTV. J’ai gardé contact avec certains acteurs de la radio depuis. Quand je vais à Paris, il arrive que je croise Cocto sur les salons.
« Joachim Garraud avait copié sur un CD une bande contenant les jingles originaux de Maxximum. »
Stan Roehrich
Au début, nous avions aussi des contacts avec Joachim Garraud mais les occupations respectives font qu’on ne peut pas toujours garder un contact sur le long terme facilement. De manière générale les anciens de Maxximum on toujours été très disponibles, je ne pense pas que ils s’attendaient à ce que des années près les gens restes temps attachés à Maxximum. A l’époque Joachim avait copié sur un CD une bande contenant les jingles originaux de Maxximum, nous les avons utilisés pour les émissions « Revival ». Les gens oublient souvent que la radio n’a duré que deux ans et quelques mois. Il y a eu d’autres formes d’hommage en radio avec DoubleXX (Dani et Shamanixx) etc. Des sites y sont consacrés comme franck.org. Shamanixx (le pape des playlist des revival) avec son compère MircoLoco qui a d’ailleurs fait pendant quelques années un travail remarquable avec le MaxxRevival sur Maxxima chaque dimanche soir. Ils ont arrêté après un certain nombre d’années comme car comme on le disait avant, la radio Maxximum n’a existé que deux ans, donc on commençait à tourner en rond.
Comment vous êtes-vous répartis les tâches entre vous ensuite?
Quand on a relancé le flux ensemble, Mickaël s’est occupé de la programmation musicale, Philippe du site web, et moi de la diffusion. Aucun de nous ne vivait de ce flux, nous avions tous un travail à côté. Mickaël Bourgeois, qui a fait la programmation de musique de Maxximum, m’a appris à programmer avec les soundcodes (ndlr: des codes pour qualifier la rythmique et la tonalité du morceau de la musique afin de créer un identité propre au programme et aux moments de la journée). Mickael avait carte blanche pour la sélection mais j’ai beaucoup appris avec lui car il est ultra pointu sur ce sujet, et avec le temps j’ai pu apprendre les ficelles. Je me souviens une fois de l’un de ces encouragements: »C’est un peux un travail de psychopathe, si tu veux bien faire et tenir ta programmation! » Il fallait que je rentre des morceaux, une ou deux fois. Je me suis posé des questions sur ce qu’on faisait. On avait un projet qui ne rapportait rien mais on se faisait quand même plaisir. Avec le temps nous n’étions pas toujours disponibles et on ne le vivait pas toujours super bien. Le fait qu’on savait qu’on ne faisait pas toujours ce qu’il fallait nous a amené, après quelques années, à se poser la question de savoir comment on voulait continuer. Nous étions tous dans un phase où nous changions de travail, de nouvelles opportunités s’ouvraient. Les familles aussi grandissaient, il fallait donc réorganiser son emploi du temps. De mon côté, je ne voulais pas que Maxxima disparaisse, donc après avoir discuté entre nous, Philippe a quitté l’aventure et environ une année après ce fut le tour de Mickael. Aujourd’hui, je suis toujours en contact régulier avec les deux. Quelques années après, Philippe a relancé un flux »Funky » Generation Soul Disco Funk. Dans mon organisation, il n’y avait pas beaucoup de temps pour bien écouter la musique à programmer j’ai du changer pas mal de choses dans l’emploi du temps. J’aimerais maintenant plus de sons crossover, hip-hop electro, latino, de la techno, de la deep. Mais bon on écoute plus de 500 titres par semaine, sans jamais regarder le moindre classement, que l’oreille.

Comment finances tu la diffusion ?
Depuis 2014 on diffuse en DAB+ en Suisse. Je travaille chez Digris, mais je paie la diffusion au même titre que les autres radios clientes. Jusqu’à maintenant on bénéficiait de divers aides (subventions) de la part de l’Ofcom, mais ça va s’arrêter rapidement. Cela reste un investissement important en temps et moyen, il faut compter un budget de 40’000 francs suisses par an pour que le programme existe (entre les droits d’auteurs, les frais de diffusions, etc.). Mais on travaille pour trouver d’autres moyens qui pourraient remplacer les subventions qui vont disparaitre. J’ai mis de côté mais quand même. Après quand tu as eu la chance de faire de la radio pirate, c’est difficile de travailler pour celle d’un autre, la liberté n’a pas de prix.
Comment as-tu apprécié l’épisode Maxximum dans ta vie?
Un OVNI à l’époque mais un produit hyper calibré et étudié. Un alignement de planètes avec la bonne musique qui arrive au bon moment et les bons animateurs à l’antenne. Une radio avec des moyens (liaison satellite, diffusion sur pas mal de villes en province), du monde derrière (animateurs, administration, marketing etc.). Bref n’oublions pas que c’était la CLT (RTL Group aujourd’hui). Et puis c’était pour moi la fin de l’adolescence donc une période de toutes façons trépidente !
Voudrais-tu revivre ce même épisode culturelle dans ta vie d’adulte?
Revivre Maxximum ? Pour moi non, en fait c’est simple, je ne revivrai pas mon adolescence. On a tous vieilli et Maxximum fait partie de notre vécu, mais c’est derrière. Je suis pour les clins d’œil mais pas pour la nostalgie. Nous avions eu à un moment la possibilité de reprendre le nom de Maxximum après en avoir discuté (c’était dans les années 2000) avec Mickaël. On s’est dit que c’était peut-être pas une bonne idée.
Que penses-tu de la Maxximum 2.0 lancée cette année par FG?
Je pense que c’est compliqué de reprendre un tel nom, car pour les jeunes générations le nom de Maxximum ne veut rien dire. Pour les anciens comme nous ce n’est pas certain que nos attentes soient comblées. Je ne parle pas ici de nostalgie mais plus des moyens nécessaires pour refaire un tel programme ! Bref, c’est à mon avis lourd à porter mais il ne faut pas condamner les tentatives. Je ne connais pas la stratégie d’FG pour la Maxximum 2.0. J’ai jeté une oreille au début et quelques semaines après, mais je n’ai pas accroché. L’effort est louable en sachant qu’une diffusion sur Paris en DAB+ à été mise en place. Je sais que c’est très difficile de refaire un programme aujourd’hui. Pour moi, la radio c’est une présence qui t’accompagne pendant la journée.
« Maxximum était un tout tenu au millimètre. »
Stan Roehrich
Maxximum c’était ça à l’époque, on était toujours surpris, c’était très joyeux et décalé, la musique était la star. Mais il ne faut pas se tromper, les animateurs et leur ton, la manière dont les infos étaient aussi traitées, tout cela donnait un résultat à l’antenne qui était différent de ce qui existait ailleurs. C’était vraiment un tout qui était tenu au millimètre, une radio ultra dynamique mais pas racoleuse ni mécanique. Malgré l’évolution des moyens techniques aujourd’hui, je ne suis pas certain que de nos jours nous pourrions retrouver un tel dévouement et un si bon niveau de détail dans la réalisation des programmes. En gros, il faudrait vraiment un programmateur avec une vision précise du programme et une culture musicale très large, car Maxximum n’était pas juste un programme « Dance » ou « Electro ». La Maxximum 2.0 ne doit pas ressembler à l’ancienne (elle aurait eu plus de 30 ans ans quand même) mais si elle veut réussir elle doit s’inspirer de quelques recettes de base de l’ancienne


Propos recueillis par David Glaser
Merci à Philippe Esquirol pour les logos des webradios.
