Slowdive est de retour. Et quel retour! En janvier 2017, le clip de « Star Roving » est arrivé comme un choc. Le groupe britannique Slowdive a, avec cette simple vidéo postée sur YouTube, conjuré le mauvais sort qui s’était abattu sur lui à la fin des années 90 avec la montée irrésistible de la Britpop d’Oasis et des Manic Street Preachers, du revival new-wave et powerpop de groupes comme Placebo puis plus tard The Killers. S’il y a un seul groupe qui aurait pu ressembler à la proposition Slowdive, je dirais évidemment Ride. Mais il faudra y ajouter la première période de Blur. Ces deux groupes ont commencé avec les guitares saturées et flottantes (« Drive Blind », meilleur titre du groupe d’Oxford à mon goût et « She’s so High » sur l’album Leisure, le tout premier album des artistes de Colchester). Blur prendra la diagonale inversée pour rejoindre des groupes plus costauds sur le plan de la mélodie afin de montrer toute l’étendue de son talent de décapsuleur de hits.

Le mouvement Shoegaze rassemble des noms clinquants : My Bloody Valentine, Chapterhouse, Catherine Wheel, Swervedriver, The Jesus and Mary Chain ou encore Ride avait trouvé une place dans les journaux hebdo spécialisées dans la pop-music à tendance alternative, le NME et le Melody Maker, Vox, Uncut et Sound. Slowdive apparaissait cependant comme le mal-aimé, considéré comme un groupe sudiste de banlieusards bourgeois (Reading est à moins d’une heure de Londres par l’autoroute et est en effet une ville plus middle-class) alors qu’ils n’avaient pas plus de fortune cachée en Suisse que leurs voisins et collègues de Creation Records Ride, venus eux d’Oxford, une ville encore plus aisée.

Le groupe a eu le temps de produire trois albums très différents les uns des autres dont un avant-dernier nommé Souvlaki, injustement disqualifié par une partie de la presse rock. Prenant le large avec le son shoegazing pur (des guitares stridentes travaillées aux effets de distorsion mais une sensation assez cotonneuse engendrée par l’effet de multiplication des couches de son et de la compression des pédales d’effets), Neil Halstead ouvra Slowdive à l’electro ambient, autre mouvement très en vogue dans les oreilles des Anglais à l’époque avec The Orb, Orbital, 808 State et de nombreuses autres formations. Autre sujet de moquerie, le travail sur la voix de Rachel Goswell a souvent été un problème pour les amateurs de rock. La production des voix est, comme l’on aimait les entreprendre fin des années 80, assortie de beaucoup de reverb’ (Cocteau Twins, Voice of the Beehive, Dead Can Dance…) et les couches superposées avaient ce côté précieux qui insupportait les critiques rock tentés par le rock masculin des frères Gallagher et l’immédiateté du grunge.

2017, Slowdive est l’invité de Nox Orae et Mathias Kerninon, le responsable de presse du mini-festival indie de La Tour-de-Peilz, m’invite backstage pour discuter avec Simon Scott et Neil Halstead (interview audio ci-dessous en version originale), respectivement batteur et guitariste-chanteur du groupe culte. Slowdive a sorti son quatrième album « Slowdive » au début de l’année et son succès est incroyable. Il a atteint la cinquantième place du Billboard 200, au milieu de tous ces artistes rap, r&b, pop et country, c’est un exploit. Le Royaume-Uni a aussi consacré la place que Slowdive méritait d’avoir. A l’heure où Oasis repose en paix et que les frangins Gallagher continuent des carrières honorables mais secondaires, Slowdive semble être ironie de l’histoire l’un des deux seuls rescapés de la scène Shoegaze propulsée par des labels comme Creation dans les années 80/90. Autre moment magique pour les amateurs du genre shoegaze, ce sont leurs confrères écossais, eux aussi autrefois membres du label Creation d’Alan McGee qui s’offrent une place de choix sur l’affiche du festival de la Riviera. L’interview a été réalisée avec la complicité d’Arnaud Lemoine de New Noise Magazine.

Concert de Slowdive à Maifeld Derby, à Mannheim en Allemagne, pour Arte Live

Interview audio de SLOWDIVE, vendredi 25 août 2017 à Nox Orae, La Tour-de-Peilz

Simon Scott, le batteur de Slowdive explique ce qu’il pense du 3e et avant-dernière album du groupe sorti en 1995, un album qu’il adore même s’il n’a pas joué dedans.

Slowdive invité de Jason Bentley pour la radio KCRW à Santa Monica, Californie

Interview audio de SLOWDIVE

Neil Halstead, le chanteur-guitariste, principal compositeur et cofondateur du groupe Slowdive avec Rachel Goswell. Les deux membres se connaissent depuis l’enfance. Ils ont eu l’idée de Slowdive en 1989 après avoir joué de la musique ensemble depuis déjà six années. Neil se joint à notre conversation pour parler des techniques d’enregistrement dans les années 1990, des moyens très différents.

Le clip de « Sugar for the Pill » extrait de « Dead Seas », premier album en 22 ans.

Interview audio de SLOWDIVE

La musique de Slowdive inspire des commentaires plutôt élogieux de la part de beaucoup de critiques musicaux et de musiciens amateurs du genre dream pop/shoegaze. Leur musique s’inscrit, à la lecture des avis, parfaitement dans le contexte mondial incertain. Leur musique est comme une bande-son apaisante, parfaite pour guérir de ses maux du quotidien. Neil a une explication sur cette impression largement partagée.

Slowdive devant un public néerlandais conquis en 2016. Concert diffusé par Vpro.

Interview audio de Slowdive

Le groupe a réussi l’exploit de classer son album « Slowdive » (Dead Oceans) dans le Top 20 du classement mainstream des albums les plus vendus. En 1991, pour la sortie de « Just For a Day », Slowdive n’avait pu que briller dans les charts indépendants. L’époque a changé. Les musiciens de Reading constatent avec plaisir qu’une nouvelle génération de fans est née, celle des millenials, ceux qui ne consomment la musique quasiment qu’avec le web.

Slowdive est un groupe culte, adulé par beaucoup de ses pairs (1975, Tame Impala)

Le groupe Slowdive rencontre depuis leur reformation quelques vieilles connaissances comme Ride, sur les festivals d’été. Neil et Simon aiment beaucoup ce que Mark Gardener et Andy Bell deviennent musicalement. Quant à My Bloody Valentine, c’était le groupe préféré de Neil, certes moins présent depuis leur première reformation. Ils ont gardé un œil sur l’évolution de Kevin Shields, le leader, mais aussi sur leur bassiste Debbie Googe croisée sur un concert de Thurston Moore avec qui elle joue. Les projets solo sont toujours d’actualité pour les membres de Slowdive et ils souhaiteraient faire des musiques de film. Un spot publicitaire a utilisé un remix d’une des chansons de Slowdive pour la boisson Lucozade. Preuve que Slowdive inspire au-delà de sa sphère alternative, un groupe culte, on vous dit.

David Glaser, zieggla@gmail.com