Un trésor restauré

Visuel promotionnel de la sortie du disque live sur le site de l’United Music Foundation

La fondation genevoise United Music Foundation a sorti cette édition collector double-CD d’un concert historique de Petula Clark, limitée à 2000 exemplaires et numérotée avec un livret de 40 pages classieux en sus, comme un petit cadeau aux amateurs de disques légendaires de la très grande dame de la pop britannique.

Ce disque a été restauré par les soins de l’ingénieur du son aux mains d’argent David Hadzis, le seul au bout du lac à conserver dans la cave de la United Music Foundation des centaines de mètres de bandes magnétiques précieuses enroulées en bobines et encore non numérisées (ou pour les plus fragilisées par l’épreuve du temps non restaurées).

Le spécialiste a travaillé à partir des seules bandes encore existantes du concert, celles de l’album incomplet sorti en 1974 et celles du « rough mix » destiné à l’époque à la sélection des titres de l’album. Son travail est une perle, le son y est (très bien) traité avec les outils de la technologie moderne. L’harmonie voix-musique-public y est restituée avec génie, chaleur, la compression qu’il faut, le mastering qui redonne de l’ampleur aux instruments de l’orchestre de Petula, à la voix fraîche et pétillante de la chanteuse britannique.

Cet enregistrement n’avait été que partiellement utilisé commercialement pour des raisons de droits après la tenue du concert de cette Saint-Valentin 1974. Petula Clark est dans votre salon avec ce concert 46 ans après, miracle de la technique, le son est ample, sucré, la dynamique totale, l’émotion complète.

Vous n’aimez que moyennement la musique de Petula ? Allez jeter une oreille sur ce travail, le produit du travail de l’ingé-son suffira à vous clouer dans la position de l’auditeur conquis. Donc, pour moi, il n’y a aucun doute, c’est un chef-d’œuvre auditif en pleine renaissance, et c’est aussi un plaisir aussi oral que visuel, l’objet matériel ayant été particulièrement soigné par David Hadzis et ses différents prestataires relayant les demandes exigeantes de celui qui par ailleurs travaille avec la Genevoise d’adoption qu’est Petula Clark, depuis plusieurs années.

David avait déjà été remarqué pour son travail exceptionnel sur des enregistrements live de concerts suisses de Sidney Bechet au Victoria Hall sur la base de bandes de Radio Genève. L’exploration et la reconstitution d’événements musicaux d’importance via la United Music Foundation continue. Mais au fait, que vaut ce disque musicalement ? Suississimo.com, plateforme de critique musicale fidèle aux amateurs vous en parle dans les lignes suivantes. Partagez ce texte s’il vous a plu.

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On est en 1974 dans ce théâtre classieux de Londres d’environ 5000 places, le Royal Albert Hall, lieu de prestige où des centaines d’artistes de renommée mondiale ont déjà usé de leur talent et fait profiter le gotha londonien. Petula Clark y pousse sa voix avec classe en cette soirée de Saint-Valentin avec un sens du swing évident, fait rire son public à propos de la comédie musicale « Jesus Christ Superstar » dont elle reprend un des hits, racontant sa vision du personnage de Marie-Madeleine qu’elle imagine parfaitement incarnée par Connie Francis ou Lena Horne, « pas petite et blonde comme elle », dit-elle, avant d’entamer « I Don’t Know How To Love Him ».

Dans ce concert intégralement restauré et réhabilité, accompagné de carnets de photos d’une très grande richesse, ce concert de la Saint-Valentin intitulé « A Valentine’s Day Concert at the Royal Albert Hall » arrive comme un joli cadeau qui donne du baume au cœur en cette ambiance de fin du monde, avec près de la moitié de l’humanité confinée à cause d’un vicieux coronavirus.

Dans ce disque-coffret très spécial, Petula Clark a coché toutes les cases de la superstar de la chanson au sommet de son art, au firmament de son savoir-faire, entourée des meilleurs musiciens, américains pour le coup, le batteur new-yorkais Roy Markowitz (qui 5 ans auparavant accompagnait Janis Joplin sur cette même scène), Ted Irwin le guitariste venu de la capitale de la country Nashville, le bassiste Kirk Hamilton de Philadelphie (capitale d’une scène soul-funk à l’époque) et des incontournables choristes anglaises, Kay Garner, Sue et Sunny. Ah et j’oubliais, last but not least, le pianiste-chef d’orchestre attitré de Petula pendant 9 ans, un nommé Frank Owens, un New-yorkais qui semble briller qu’il doive jouer de la pop, du jazz ou de la musique classique, et qui, quelques années, plus tôt jouait sur l’album mythique de Bob Dylan « Highway 61 Revisited ».

En ce 14 février 1974, un ange a passé à plusieurs reprises, l’émotion de cette nuit londonienne a transparu tout au long de ce tour de chant. C’est ce que révèle ce concert composé de plusieurs medleys franchement étonnants par leur composition (voir la setlist-tracklist plus loin).

Cette sensation de fluidité, de densité et de clarté, on la doit au travail de David Hadzis, réalisateur et ingénieur du son en charge de la reconstruction de ce puzzle de concert enregistré, auxquels plusieurs pièces avaient manqué, la faute à la disparition des bandes master de la détérioration des bandes restantes ainsi qu’aux limites de la technologie d’enregistrement analogique en vigueur à l’époque. Le résultat est à la hauteur de ce travail ambitieux. Il faut dire que Petula avait beaucoup d’amour à donner dans « son » Royal Albert Hall où elle chante depuis qu’elle a 8 ans. Et d’amour il fut question dans le travail de réhabilitation de ce concert en version discographique.

Petula racontait encore à la chaîne britannique ITV dernièrement qu’elle se souvenait de ses premiers pas au Royal Albert Hall, alors qu’elle était en train de lire une BD avant de monter sur scène et d’y délivrer sa performance de « child-star » et de revenir tout naturellement à sa bande dessinée une fois le travail effectué. Le R.A.H et Petula, plus globalement Londres et Petula, c’est donc une histoire d’amour qui n’en finira jamais. Avant que le COVID-19 vienne mettre le monde à l’arrêt, Petula Clark interprétait à Londres le rôle de la femme aux oiseaux dans la comédie musicale Mary Poppins au « Prince Edward Theatre », dans le West End, quartier le plus dense culturellement de la capitale britannique qui agit depuis toujours comme un aimant pour la musicienne.

Revenons à ce double CD restauré par la United Music Foundation et son chef de projets David Hadzis, tout l’enjeu était de replacer ce concert dans un confort d’écoute, un mix respectueux de la densité des instruments avec les applaudissements et les clameurs du public, il s’agissait de corriger les dégradations du son, les scories du temps. Après tout, ce rendez-vous galant entre Petula et son public londonien a pris les formes d’une déclaration torride sur la fin de « A Song for You » avec cette vague d’applaudissements si intense déferlant sur le « finale » romantique de l’orchestre de Petula, cela méritait un petit surcroît d’effort.

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Revenons au début du concert, l’entrée en scène de la troupe étincelait de mille notes, dès les premiers mots magiques du master of ceremony « Ladies and Gentlemen, Miss Petula Clark », le show prend toute son ampleur. L’intro aux cuivres et percussions, assaisonné de quelques roulements de batterie, est digne d’une fanfare et donne un tempo, une dramaturgie douce à ce concert inoubliable, la barre est placée très haut. Petula pose sa voix douce sur plusieurs standards du répertoire pop de l’époque et vieillit sa voix avec humour sur « Yesterday Once More » des Carpenters avant d’enchaîner sur une transition inspirée du thème instrumental de « My Baby Just Cares For Me » de Gus Khan et William Donaldson puis d’embrayer sur un air de jazz nommé « G.I. Jive » que, toute jeune, Petula chantait avec des musiciens de l’armée alliée pendant la deuxième guerre mondiale. Le medley continue avec une reprise de Nat King Cole « Mona Lisa » et la magie opère un ton au-dessus, on est aux anges, sous les volutes vocales de Petula qui se débattent avec délicatesse avec les accords de piano subtils de Frank Owens avant que la chanteuse ne vire complètement de bord pour entonner un air de country. Spécial et éclectique.

La native d’Epsom dans le Surrey (et résidente de Genève) a joué ce soir de la Saint-Valentin au Royal Albert Hall de Londres comme si elle était chez elle, « a home fixture » avec ses reprises préférées, une complicité évidente avec le public, et ses propres succès comme « Don’t Sleep in the Subway », une chanson intégrée en 1967 dans l’album « These Are My Songs », et écrite par le couple Tony Hatch et Jackie Trent, collaborateurs précieux. Autres moments importants du concert le « Colour my world » de Hatch et Trent et le « You Are the Sunshine of my Life » d’une des pointures de Tamla Motown, sa majesté Stevie Wonder, lequel a même signé l’une des préfaces de cette Edition Collector. Classy, classic, le single qui a ravagé les premières places du Hot 100 américain était sorti une année plus tôt. Sens du timing évident.

Dans l’écoute globale de cette Edition Collector, les medleys sont nombreux et ont été retravaillés à la milliseconde près par le réalisateur-producteur-ingénieur du son David Hadzis qui nous a confié avoir recollé les morceaux manquants parfois – car détériorés sur les bandes masters du disque, un travail de haute précision pour gommer TOUS les défauts de son occasionnés par des années de conservation précaire, une plongée dans des originaux demandant aux machines et surtout à l’oreille experte de David un travail de recomposition numérique de la musique. Bravo pour ce travail, la machine permet des prouesses, mais il faut un pilote. Et ce pilote a visiblement pas mal d’heures de vol au compteur.

« Downtown » arrive en quasi-fermeture de ce concert (c’est l’avant-dernière proposition de Petula, juste avant « A Song For You » en rappel), un moment spécial pour moi car c’est une chanson qui restera gravée dans ma mémoire à jamais. En effet, ce morceau chanté par Petula Clark est ressorti plusieurs fois car éternel (notamment après les attentats du 11 septembre 2001, quand New York se remettait difficilement de son traumatisme gigantesque).

Cette version du hit-single d’une vie, je l’ai croisée sur les ondes de la radio française NRJ qui était tombée en amour avec Petula sans doute bien avant. Mais à la fin des années 80, le programmateur de la radio que j’écoutais dans ma chambre avait sans doute beaucoup apprécié le remix de cet hymne à la « joyeuse sortie » du samedi dans les centre-villes éclairés quand on se sent seul et triste. Un hymne presque spirituel, touchant, plaçant mes souvenirs de ces mêmes sorties sur un lit musical de grande subtilité.

Mais Petula est bien sûr beaucoup plus que ça. Elle donne du brillant au « Alone Again (Naturally) » de Gilbert O’Sullivan, une poignante ode à la solitude d’un cœur brisé qui trouve tout autant d’éclat que pour l’interprétation de « Get Down », Petula sort les crocs vocaux, « croone » sur le refrain du hit de Gilbert O’Sullivan, prend de la hauteur entre dramaturgie du refrain presque récité puis porté telle une « Soul Sista » de Motor City. On ne résiste enfin pas à la beauté de « London Is London », une chanson extraite du film « Goodbye Mister Chips » dans lequel Petula jouait aux côtés de Peter O’Toole.

L’album sorti en 1974 sur le label Polydor avait été amputé de deux tiers des morceaux pour des raisons contractuelles. Il y a eu réparation. La United Music Foundation a réussi à sortir ce double-album live reprenant les 33 titres joués ce soir-là au Royal Albert Hall en garantissant un rendu parfait. L’album avait été nommé à l’époque Live in London, la belle histoire n’était pas complète. L’histoire a pansé les plaies. Merci David Hadzis.

Pour l’anecdote, le prix du concert pour les meilleures places fut de 3 livres 30 seulement, 75 pence pour les sésames les plus abordables, pas une « cheap date » mais une façon bien sympathique d’ouvrir les portes à un public large et énamouré. Il n’y a pas eu tant que ça inflation, l’édition collector double CD ne coûte que 34.90 francs suisses. Le prix d’un confinement de luxe avec une grande dame et son grand orchestre.

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David Glaser

A Valentine’s Day Concert at the Royal Albert Hall, United Music Foundation (Edition Collector double CD)

Pour commander cette Edition Collector, allez sur ce lien.

Petula Clark, A Valentine’s Day Concert at the Royal Albert Hall (United Music Foundation 7640160390301, 2020)

TRACKLIST CD 1

  1. Fanfare and Announcement/Colour My World
  2. You Are the Sunshine of My Life
  3. Don’t Sleep in the Subway

Gilbert O’Sullivan Medley

  1. Alone Again (Naturally)
  2. Get Down

London Medley

  1. London Is London
  2. London Pride
  3. Portobello Road
  4. A Nightingale Sang in Berkeley Square
  5. London Is London (Reprise)
  1. You and I
  2. The Other Man’s Grass Is Always Greener
  3. Without You
  4. Music
  5. This Is My Song
  6. What the World Needs Now Is Love

TRACKLIST CD 2

  1. I Can See Clearly Now
  2. Killing Me Softly with His Song
  3. I Know a Place
  4. My Funny Valentine

Yesterday Once More Medley

  1. Yesterday Once More
  2. G.I. Jive
  3. Mona Lisa
  4. Your Cheatin’ Heart
  5. The Man That Got Away
  6. Yesterday Once More (Reprise)
  1. I Couldn’t Live Without Your Love
  2. Une Histoire d’Amour (Love Story)
  3. You’ve Got a Friend
  4. I Don’t Know How to Love Him/Superstar
  5. My Love
  6. Downtown
  7. A Song for You

Une réflexion sur “Un trésor restauré

  1. This is an amazing concert by an amazing woman from 1974. This is as good as it gets to being there live, and what a live performance this is. Such class and such an amazing artist. The guys at United Music Foundation have out done themselves. Thank you for letting us hear this amazing singer with such quality. The booklet with stories and comments by other artists is a joy. Even if you have not thought much about Petula Clark, you owe it to your collection of music to not miss this opportunity. I listen to it on my morning walks and I feel like I am there at Royal Albert Hall

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