GASTRONOMIE AU NATUREL (2/3)

Deuxième partie de l’article Gastronomie au naturel. Le Café de l’Hôtel de Ville, un lieu unique et pas cher place de la Palud à Lausanne. Je vous propose les interviews audio d’Ana et Marina, deux clientes sous le charme de la cuisine de Marie et Vanessa. Excellente année gastronomique et naturelle.café de l'hôtel de ville

Virage à 180 degrés. Révolution des cageots. Le Café se débarrasse des produits carnés. C’est le signe de l’arrivée en force des légumes dans une région où la viande est sacrée. Beaucoup de légumes même pour peupler des salades de cinq pièces et demi, si ce n’est plus avec des carottes, des tomates qu’il faut mieux mettre en valeur, avec du boulghour aussi. « Il faut que ça fasse envie » dit Marie. Le quidam qui débarque pour la viande va être surpris, car la plupart d’entre eux ne sont pas végétariens, ce sont des salades-repas qu’ils se voient servir, des menus riches mais très digestes. Et là, il a fallu faire preuve de patience. « Les restaurants végétariens, c’est de la nourriture pour les malades, il n’y a pas de goût quand ça n’est tout simplement pas bon… » diront les personnes hostiles. «On est bien contentes d’avoir arrêté la viande, les fricandeaux de bœuf, les tranches roulées avec du lard, avec la sauce vin blanc et les boulettes midi et soir, environ 500… C’était du boulot et le dressage était beaucoup plus difficile. Hacher la viande toute la journée, faire du ragoût le lendemain sans compter les restes. Bref, on n’arrivait pas à gérer, il y avait beaucoup de déchets. On travaille toujours avec des ingrédients frais. On ne réutilise pas les légumes de la veille. Tous les jours, ça vient du marché du jour, selon la saison, selon nos envies.»

L’Assiette de Marie

Marie écrit tous les jours la composition du menu, appelé « l’Assiette de Marie », composé de deux, voire trois plats (soupe, salade, plat) recettes de ses salades sur une feuille A4 et c’est manuscrit, une vraie façon de montrer son implication, sa personnalité, un engagement au service du client du restaurant. Les gens vont lire tout ça sur cette feuille de papier en guise de menu. Ils vont devoir parfois se concentrer pour lire ce menu, pas du tout composé à l’ordinateur avec des ingrédients sortis du congélateur. Tout est frais, tout est manuscrit ! Un vrai art de vivre, une vraie façon d’être. Petite coquetterie, l’assiette de Marie révèle ses secrets de fabrication en relevant d’un surligneur de couleur les quelques ingrédients importants de la recette spéciale de la patronne. Rien que de lire ce manuscrit d’une page donne envie, éveille les papilles et suscite la curiosité du lecteur-découvreur de saveurs. « Si quelqu’un aime un plat, il n’est pas sûr de le retrouver la fois suivante. » C’est la magie du lieu.  Chaque jour est différent. « Les produits sont de saison, les salades évolutives. On peut y ajouter des betteraves rouges, des marrons caramélisés, des figues séchées… » précise Marie.

Ça, c’est pour la semaine car le samedi c’est un peu différent. « On sert des bagels au fromage de chèvre, avec concassé de tomates du miel et des fleurs d’oranger. Le tout pour 25/26 francs .» Sur le bagel, le fromage de chèvre peut être remplacé par une tome entière ou du jambon cru. Au Café de l’Hôtel de Ville, on ne lésine pas sur la quantité et le choix d’ingrédients de qualité supérieure. C’est un moyen de manger équilibré mais avec des matières grasses premium comme de l’huile d’olive extra-vierge crétoise pressée à froid. « C’est très important pour nous d’utiliser ces huiles. On ajoute du fromage dans les salades afin de se passer de dessert. La viande est remplacée par des légumineuses comme les lentilles et les pois chiches… Et puis l’huile d’olive aujourd’hui, c’est de l’or. Nous y ajoutons des graines de courges, des noisettes, des noix, des graines de chanvre du Moulin de Sévery qui les presse à l’ancienne… » raconte Marie. Autre trouvaille, celle d’infuser la lavande en chauffant l’huile d’olive. Avec tous ces procédés, «on est un peu comme des extra-terrestres. On travaille à l’ancienne car on fait tout « maison ». Par exemple, on n’a pas de four pour réchauffer les plats, les poivrons sont coupés à la minute. C’est une éthique, un choix d’avoir fait et de faire la cuisine qui est la nôtre, simplement. On veut que ça soigne les gens, en ne donnant jamais à quelqu’un ce qu’on aimerait pas manger nous-mêmes ».

Un prix défiant toute concurrence

Sensibles aux critiques parfois infondées, Marie et Vanessa sont d’accords pour dire qu’elles se donnent à fond pour que tout le monde puisse profiter de leur cuisine, pour ne rien avoir à regretter le soir lorsqu’elles quittent le Café. « J’aime bien les gens qui respectent ceux qui travaillent, alors c’est vrai que les quelques critiques négatives nous touchent. 20-22 francs, on peut penser ce qu’on veut mais c’est peu pour offrir aux gens de manger selon la saison. » Le prix, parlons-en. Pour des produits frais du jour et des ingrédients assez rares, on pourrait s’attendre à une salade un peu plus chère et un menu complet autour des 30 francs. Mais c’est l’amour du produit et le respect des gens qui fait que les deux cheffes d’orchestre de la cuisine du Café s’entendent pour ne pas faire prendre l’ascenseur au prix, quitte à réaliser une marge assez minime. Le produit, toujours le produit doit être frais et si possible caractérisé par une chair distinctive ou un goût agréable. « On s’est pris de passion pour la tomate « Rose de Berne » par exemple. » raconte Vanessa. Ces tomates sont fragiles, peu présentables mais elles sont délicieuses. Un quart de la tomate ne peut pas être utilisé, il va donc à la poubelle… Mais le reste parle pour lui-même. « Depuis qu’on les sert, je pense que le stand de la famille Ribenn d’Echandens au marché de la Palud en vent un peu plus. » Plus généralement, au-delà des tomates, on est dans une sélection de légumes frais et plein de goûts. Certes ce ne sont pas toujours des légumes biologiques mais ces légumes qui composent les salades viennent du marché. Quand on sert les framboises, elles viennent du jardin. »

Pourquoi ne pas ouvrir tout le temps un café au concept si respectueux des hommes ? La réponse fuse de la bouche de Marie. « On n’a plus l’envie ni l’énergie de travailler le midi et le soir. Certes, on fait moins d’argent en procédant ainsi. On ouvre le restaurant le vendredi soir et c’est tout. On voudrait des clients qui prennent le temps de manger le midi. » Avec le concept de Marie et Vanessa, le restaurant affiche quasi tout le temps complet le midi. « On s’en sortirait encore mieux si les gens prenaient plus le temps mais avec les nouvelles habitudes alimentaires, avoir 3/4 d’heure de pause fait que tout a changé. Il y a quelques temps encore, il y avait les apéros à midi. Mais c’est vraiment fini. » Sans parler du Flon et de sa récente offre débordante de restaurants (dont un végétarien nommé « Bad Hunter »). « Cela nous a fait un peu de mal. Il y a plus de bistrots en ville, de food trucks et une nouvelle concurrence avec des plats à emporter. » A ceci près que les pâtes à emporter à côté du « Café » n’ont pas marché. La boutique de vente de jus de fruits frais n’est pas restée elle non plus, trop cher.

Suite et fin de la série ce lundi 15 janvier 2018.

Par David Glaser, zieggla@gmail.com

 

suississimo

 

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