Dalva : Le chantre d’une nouvelle vague (2/2) Du barreau à la liberté

 

Le cocon musical de Dalva éclot tôt. Le minot, né à la musique à l’âge où on apprend à marcher, est sous influence mozartienne. Puis Dalva trouve dans l’esthétique pop-rock un mode d’expression, magneto branché sur les ondes FM, immortalisant U2, Cure ou Talk Talk sur une bande-son de la fin d’années 80.
Un disque de prog-rock tournera plus souvent sur sa platine. C’est “Animals” de Pink Floyd. Sa folle puissance évocatrice sera un parcours initiatique, une divagation entre genres de l’époque, une pénétration dans le monde coloré du rock psyché. La griffe Floyd s’est posée sur son épiderme
comme on adouberait un jeune chevalier. 

Dalva grandit à la Rochelle puis quitte son port pour étudier au Mans. Il forme son premier groupe dans une ville qui laisse beaucoup de place aux aventuriers d’un “rock perdu”, se distinguant par la force de leurs mots / maux.  Les Manceaux Jean-Luc Le Ténia et Tue-Loup font partie d’une “promo de fin de millénaire” dans laquelle Dalva trouve une place de choix avec son groupe Opaque Sweet Seagull. Un groupe qui doit autant à Noir Désir qu’à Jeff Buckley.  

Fin des années 2000, Dalva est parisien. Il cherche de nouveaux sons tirés de ses expériences, identifie des lignes de fuite pour explorer d’autres expressions artistiques. Dalva est un artisan. Patience et savoir-faire, répétition et élévation pourraient être ses devises. Travail sur l’instrument, arrangements, écriture du texte… Il explore, s’égare, observe et repart. “Le secret est dans l’ouverture à autre chose qu’à soi-même et son labeur” dit-il. Jusqu’à trouver le ton, la patte… sa marque.

Parfois, cela passe par le travail d’un réalisateur. En bon dévoreur de notes de pochettes, Dalva les connaît. Il identifie les bons metteurs en sons derrière les chefs-d’œuvre. Le “Dance Hall at Louse Point” de PJ Harvey et de John Parish est l’illustration d’un alignement de planètes entre deux personnes. “Il y a un pacte viscéral entre le réalisateur et le musicien” clame Dalva qui trouvera cette alchimie avec Alexandre Varlet ou Yann Arnaud. La mise en valeur de sa musicalité, de sa singularité est une qualité qu’il recherche.

Autre passion de Dalva, les concerts. Celui de Jean-Louis Murat à La Marbrerie à Montreuil en novembre 2022 dans un cadre intimiste, l’a marqué. Incarner des chansons, les livrer dans leur forme la plus dépouillée, en guitare-chant, est un réel plaisir pour lui. Dalva chérit aussi la sensation unique de maîtriser techniquement pour lâcher prise artistiquement, d’entrer dans la transe et de vivre ses chansons intensément.

Traduire un monde en musique

Amateur des émissions de Bernard Lenoir, Dalva s’est forgé une culture faite de découvertes, une curiosité jamais rassasiée. En phase d’écriture de chansons, il cherche des thèmes, des histoires, des personnages et des émotions. Il puise chez Jim Harrison ou Dostoïevski. La complexité sociologique d’un pays jeune pour l’auteur américain, les miroirs des mœurs et des grands questionnements de son époque pour le Russe, mais aussi une universalité des sentiments qui les traversent. Roth, Auster, Carrère, Houellebecq, Desnos et Mallarmé ne sont pas loin dans sa bibliothèque. “L’écriture de mes chansons, même lorsque les textes sont poétiques ou à tiroirs, puise dans tout ce corpus et bien sûr dans les rencontres, la vie…”

L’école abstraite et non-réaliste est un courant dans lequel Dalva se laisse volontiers aspirer, les textes de Jean Fauque et de Boris Bergman pour Bashung, la plume de Murat et le chroniqueur Alexandre Varlet le font voyager. “J’ai compris que la musique que j’avais en tête, d’inspiration principalement anglo-saxonne pouvait très bien être chantée avec des paroles en français.” L’artisan malaxe les mots comme une pâte à pain, les combine, cherche leur musicalité, les émotions qu’ils peuvent véhiculer. 

La musique de Dalva est donc le fruit de multiples rencontres : Romain Lannoy du label Rockers Die Younger qui accueille ses disques, Eric Sabatié, un ami ingénieur du son avec lequel il travaille son identité live en solo. Côté visuel, Dalva se fond dans l’univers de Noémie Lantil, plasticienne, qui réalise ses pochettes de disques et certains de ses clips. Jean-Baptiste Garcia, auteur de plusieurs clips de l’album “Lumen”, a aussi un rôle prépondérant dans l’expression visuelle de la musique de Dalva.

« Et Dieu dans tout ça » demanderait Jacques Chancel ? Si la musique de Dalva charrie sa dose de refrains inspirés, élevés, les questionnements métaphysiques apparaissent en filigrane. Une croyance dans l’infini de l’univers. “Cette proximité avec le divin, c’est peut-être en observant la nature que je la ressens”. Comme Terrence Malick et sa vision de la nature traduite à l’image. 

Quant à Dalva, le son nom d’artiste, il fait référence au personnage féminin homonyme de Jim Harrisson. “Mais c’est avant tout une voix intérieure qui exprime un état du monde, un rapport aux autres, à l’histoire” précise Dalva. “Cette voix m’a accompagné longtemps après avoir refermé la dernière page du livre. J’étais jeune et c’était la première fois que je ressentais ce rapport à la littérature quasi charnel.”

En prise directe sur notre monde tourmenté, Dalva s’intéresse très jeune à l’histoire des idées politiques. “J’y ai trouvé des clés de compréhension du monde contemporain. De mon ancienne vie professionnelle en tant qu’avocat, à faire des comparutions immédiates, j’ai pu mesurer la puissance des déterminismes sociaux, et rencontrer une population en marge, ayant souvent franchi le Rubicon de l’interdit social… J’en ressors avec de moins de moins de certitudes sur les choses, j’ai conscience de la complexité de chaque sujet du champ social et m’efforce de cultiver un sens de la mesure.” 

Dalva est le fruit d’années d’exploration entre rock, punk, folk, poésie, pop culture et littérature. Il est aussi le point commun entre deux continents culturels qui s’entrecroisent parfois avec difficulté : le verbe haut de nos auteurs francophones et une vision intégrée de la culture anglophone. La musique des mots est un vecteur tout aussi puissant que la scansion romantique.

David Glaser

Pour écouter Dalva et découvrir « Les Grandes Houles »

Laisser un commentaire