RODRIGO AMARANTE A MAREE HAUTE

Le chanteur et guitariste Rodrigo Amarante était en concert à Feyzin, dans la banlieue sud de Lyon pour un concert d’une heure intense et belle. Un récital précédé d’une proposition acoustique originale de la chanteuse britannique aux racines brésiliennes Naïma Bock. L’Epicerie Moderne, haut lieu des soirées indé du Grand Lyon ne pouvait pas mieux trouver comme porte-parole du respect entre les peuples heurtés, déplacés, sublimés… Rodrigo Amarante, 46 ans, est la fruit des ces inspirations venues de terres multiples, fertiles, parfois aussi polluées par des fléaux ancestraux. Il est le poète d’un monde qui connaît les affres de l’exil et du « drama » permanent. Il en a tiré de la matière pour ses chansons et sa réflexion. Des chansons qui se baladent sur scène avec délice, pour le plaisir des oreilles, pour la nourriture de l’âme, pour des moments de grâce épurés au milieu du bruit politique. Avec Amarante, l’Epicerie Moderne s’est ravitaillée en plantes médicinales carioca pour faire battre le tempo de nos cœurs jusqu’à l’hiver.

Rodrigo Amarante, le 23 avril à Feyzin-Lyon, Epicerie Moderne (©David Glaser)

Il débarque en toute tranquillité, démarre son show sourire aux lèvres, chemise estivale et guitare acoustique en bandoulière. Le Brésilien Rodrigo Amarante fait dans la simplicité. Son récital d’une heure en portugais, français, espagnol et anglais va ravir une audience qui trouve le médicament acoustique idéal pour soigner ce spleen général d’ « entre-deux tours ». Installé à Los Angeles, depuis plusieurs années, Rodrigo revient à Lyon, fort d’un deuxième album intitulé « Drama » merveilleusement accueilli par la critique, un album qui laisse plus de place aux orchestrations ensoleillées, plus riches. L’homme reprend sur scène des chansons de son premier exercice solo « Cavalo », comme « O Cometa », religieusement susurrée, passant comme un hommage à un mentor, ou comme l’amour trépassé inondant le magnifique « Irene », une chanson référence dans le répertoire amarantesque, Rodrigo alterne la beauté de toutes ses langues d’adoption au fur et à mesure qu’il picore dans son riche réservoir de plusieurs aventures collectives (Los Hermanos, Orquestra Imperial, Little Joy avec Fabrizio Moretti du groupe new-yorkais The Strokes). Vient « Mon Nom », hymne-saudade en français tout trouvé pour replacer le thème du déracinement et de la douleur d’être (mal) vu par sa terre d’accueil, sa maréchaussée et toutes ses entreprises d’exclusion. On ne peut s’empêcher d’accompagner le cœur ouvert le refrain de cet hymne des aliénés en terres hostiles « toutes terrifiées, nous avons été repiqués sans nos racines, depuis nos radicaux sont tout mous, tous ces fruits touchent le sol », une ode au labeur terrien qui s’applique à toutes les sociétés occidentales ou sud-américaines, à ces puissances vieilles ou nouvelles, issues de la colonisation qui ont sacrifié des pans entiers de leur démographie, par lâcheté et/ou racisme. « Mon Nom » est la chanson que le président-réélu Macron aurait dû choisir comme Marseillaise le lendemain aux Champs de Mars, passons…

Plusieurs ovations ont ponctué le concert de Rodrigo Amarante le 23 avril 2022 (©David Glaser)

En première partie, notons l’étonnante prestation de Naïma Bock, jeune artiste issue d’un foyer multiculturel (des parents aux origines grecque, brésilienne, anglaise ayant habité Sao Paulo puis la Grande-Bretagne) et terriblement attachante dans sa volonté de placer ses chansons folk dans une construction bi sonore. Elle surfe, seule en scène, entre des vocalises au traitement brut et des envolées plus profondes, enrichies d’effets de réverbération poussés. Ses chansons manquent encore d’un polissage et d’un cirage de finition. Mais on ne regrettera pas que le couteau qui taille dans le gras n’ait pas été sorti de l’étui pour cette tournée mondiale, il y a une énergie inédite à laisser des chansons dans le liquide amiotique. Les paroles de ces quelques odes folk ne disent peut-être pas encore tout de la complexité d’une vie de terrienne, mais encore une fois peu importe car Naïma Bock tente, explore et trouve des petits trésors d’harmonie et le plaisir d’écoute pour nous faire atteindre quelques sommets lumineux. Je veux saluer cette tête-chercheuse de la nouvelle génération d’artistes folk issus du rock. Après avoir joué au sein du groupe écossais Goat Girl, la voie solo lui semble parfaitement ouverte, ses qualités vocales lui permettront d’apercevoir une rive dorée très vite. Son potentiel a su convaincre son « compadre » de tournée. Merci Rodrigo Amarante d’avoir embarqué Naïma Bock à bord. Et merci à Alexandre Rochon, le programmateur de l’Epicerie Moderne d’avoir placé cette doublette de choix entre Cate Le Bon et Teenage Fanclub.

Naïma Bock, première partie du concert de Rodrigo Amarante, le 23 avril à Feyzin (©David Glaser)

Texte : David Glaser

Liens : Rodrigo Amarante, compte insta et site officiel. Naïma Bock, compte facebook et linktree.

Remerciements : toute l’équipe de l’Epicerie Moderne et plus particulièrement Océane Poletti ainsi que Constance et Justine des Vedettes.

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