Jacob Collier, Lausanne, Les Docks, le jeudi 6 février 2019.
De tous ces petits génies de la mélodie et de l’interprétation en pleine exposition mondiale (magie des réseaux sociaux) et en plein boom créatif (magie de la reconnaissance des plus grands, de Quincy Jones à Herbie Hancock) Jacob Collier se distingue. L’homme a le talent de l’animation d’une scène micro de TEDTalker en bouche et les mains partout sur les claviers, la batterie et la basse. Un don? Non! Des dons. Une prise de scène huilée à la perfection. Trop? Non, mais son show peut parfois donner l’impression d’une démonstration de force pour celui qui veut de l’émotion, de l’imperfection, un peu comme si le Real Madrid de Zinedine Zidane jouait la Ligue des Champions tout le temps, vous voyez, cela peut lasser? L’homme a une jolie qualité: celle de partager avec le public ces compositions riches et à formule variable. Jacob joue sur l’interaction tel un jazzman libre en pleine jam, dans une fusion de notes et d’ambiances créées avec l’aide d’un public (composé de musiciens, on l’entend à la justesse des chœurs improvisés tout au long du show des Docks le 6 décembre dernier). Le groupe de Collier – qu’il a composé avec soin en prenant des pointures – n’est pas là que pour faire joli dans le decorum, il renvoie les balles liftées de chants (notamment de jolies envolées vocales et graves féminines), de beats généreux sur de la peau de bestiole autrefois vigoureuse, il y a de présence de partout et sans doute aussi une envie de tout mettre dans des morceaux de cinq-minutes pièce. Les jeux de lumière ne font pas seulement du bien à l’ego de JC (Djesse pour le sobriquet), ils soulignent chaque partie des chansons d’une trouvaille agréable. On aime cette impression d’un show parfait permettant des allez et venues dans une discothèque très fournie. Sur disque, il y a la reprise de Sting et le « Every Little Thing She Does is Magic », une version rehaussée de couches d’instruments, une symphonie jazz-pop. Car Collier enfile les idées d’enrichissement à faire passer les versions originales comme fades. Sur scène, on cite « Blackbird » des Beatles, très minimal dans sa densité sonore et l’élégante variation au piano de « You’ve got a friend » de James Taylor qui démarre pourtant lentement et de manière décousue. Une bien jolie interprétation au final du gigantesque tube, laissant le champ libre pour le public pour se faire entendre (Jacob Collier ne joue pas fort). La fin du show avec le quatuor réuni donne l’impression au spectateur de s’inviter au feu de camp de fin de colo, il y a de l’amour et une certaine envie que ce moment se prolonge « all night long », comme le chantait Lionel Richie, lui aussi repris de volée et pas mal transformé.
Par David Glaser
Photo Davide Gostoli (merci)
Une réflexion sur “LA MUSIQUE TOTALE”