EMMA TAEKO ZOIA, B77 & FLAVIEN BERGER, LE TRIPLE RÊVE AUX DOCKS

Le duo lausanno-fribourgeois B77 était la tranche de saumon dans un sandwich electropop planant composé par les Docks de Lausanne ce vendredi 25.01.2019. Les mélodistes en chef me tendent le premier EP vinyl dédicacé, après le concert, fiers de dire que la playlist de Nova à Paris a aussi avalé ce disque. Me voilà lié par un point commun avec le programmateur musical de la « sono mondiale ». On tient avec ce jeune groupe suisse une fascinante paire d’artistes à l’approche des mélodies electro acidulées et atmosphériques pleine de conviction, dans la plus pure tradition des évangélisateurs du genre synthpop/dreampop/ambient house qui de Yazoo à M83 en passant par The Orb ou encore des références plus contemporaines comme Bladee et Yung Lean, deux Suédois en vogue chez les moins de 25 ans, ont semé des sons dans les sillons de Soft Machine, Pink Floyd ou Japan. Leopold et Luca viennent du hip-hop et pas du prog rock psyché, mais ils ont pris le virage de la scène pop-electro US (MGMT) au tournant des années 2000-2010. On aime ce regard tourné vers les USA, le succès est en marche car la formule touche au cœur des amateurs de pop et des puristes de l’electro.

Chez B77, j’aime ce panachage entre boucles dansantes et colorées et divagations à une touche de pad, pénétrant dans nos défenses naturelles, « scorant » au « buzzer » au plus profond du tympan, avec tempo et joie. La rudesse du monde contraste avec ce vibrionnant propos néo-hippie aux confins de la musique imagée et bavarde de Flavien Berger. Ce dernier, on en reparlera un peu plus loin, a mis le public des Docks dans sa poche avec son humour potache et son approche rythmique tellement bien pensée, seul aux commandes du 747 « Contre-Temps ». élu par la critique comme l’album de l’année 2018 en France (Cf. Les Inrockuptibles, mais comment leur donner tort). « La Fête Noire » avait déjà placé la barre très haut, dans ce clip mettant en exergue nos rêves colorés de soirées dans les airs, avec nos corps rehaussés par les rollercoasters des fairgrounds, tout en convoquant les fantômes de « Play Blessures » d’un certain Bashung… Surréaliste! En attendant, curieux seront les amateurs du son soyeux de B77, délicieusement nourri de parties vocales rappelant Brian Wilson et ses faux airs de chanteur d’opéra psyché période Pet Sounds (« Song From the Kingdom »), ce samedi 26 à Nyon, c’est à La Parenthèse que ça se passe, la petite salle souterraine du centre-ville sera le théâtre de réjouissances « hivernales » comme chaque année.

Un mot aussi sur le spectacle très étonnant de Emma Taeko Zoia, au sol face au laptop, animant des boucles de voix siciliennes (de la province de Messina) parlant au loin dans leur dialecte insulaire et faisant monter le « sugo » musical dans une pâte montant doucement pour s’étirer dans des directions originales, l’artiste attrape des sons comme certains chassent les papillons pour les mettre en boîte avec un petit filet d’oxygène pénétrant, de façon à tester la réaction chimique. J’ai testé, c’est magique, agréable, doucereux, piquant, puis groovy, emballant… A suivre cette « selectress » de musiques pas comme les autres, elle sait aussi faire danser les gens, à seulement 19 ans. Un avenir tout tracé. Auguri Emma. Quant aux clips qu’elle produit sur sa chaîne, voici « Stella ». Peu sonore mais visuellement puissant.

Je me souviens de Flavien Berger hypnotisant un Paléo tout entier, sous la tente du Détour, finissant sur scène pour une performance autour de l’album « Leviathan » jouant sur une plongée dans l’abyme des sons triturés par l’homme et sa machine. Avec l’album « Contre-Temps », Berger tape sur le terrain du claviériste et génie lyrique Gainsbourg, expérimentant tout en éclaircissant son propos. On pense à « Brutalisme », voix posée et enchaînement bossa nova technologique, en contre-champ d’une scène de la nouvelle vague, une façon de structurer la séquence cinématographique en musique, même quand il est sur scène, ce que n’aurait renier feu-Michel Legrand (il est mort ce samedi 26 janvier). Flavien Berger a tant de ciné en lui que ses mots et ses notes se répondent comme dans les monologues monocordes de Godard. Berger cherche et trouve. Bravo.

Berger parle au cœur des spectateurs et met tout le monde dans sa poche. Son sens de la scansion douce, sa précision d’horloger neuchâtelois dans le maniement des machines à rythmes et au clavier, l’interpellation du public sur ce qu’il ressent, le remerciement à son « staff ». Le Français joue en Suisse comme s’il était à la maison, maniant l’humour absurde pour expliquer les raisons de sa présence à Lausanne. Le concert est court mais intense, avec une technologie peu envahissante (mention spéciale aux tours drapées tournant dans les rayons des projos). Flavien Berger est la meilleure chose qui soit arrivée à la pop française depuis Chassol et Jeanne Added. Alors on salue le génie.

Par David Glaser

suississimo

Les Docks proposent cette exposition de l’artiste Coach D.

coach d

Et il y en a une cinquantaine comme ça.

 

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