MARINA A TOUT PRIX

S’il y a un « Celebrity Crush » que je peux avouer, c’est bien Marina Rollman, une déflagration dans le transistor trop attendu, trop entendu du PAF, un ton rock n’rollman, claquant jusqu’au bout du gag dans la bande à Nagui (La Bande Originale de 11 à 12h30 sur la radio publique France Inter) et assez présente dans les programmes de la RTS pour ne pas passer inaperçue à la maison. Chez Marina, il y a de la nostalgie pour des jeunes années transbahutées à notre période actuelle avec un sens du grand écart qui se mue en vakasrana. Le choc des époques articulé dans des chroniques follement rythmées, où les figures de style littéraires se prennent le mur dans des vannes Adult Contemporary, l’humoriste suisse en raffole. Marina est l’incarnation d’un « Retour vers le Futur » comique. Espiègle dans le ton, intellectuelle dans le propos, « fresh » dans la patine, « acid-ecstasy » dans l’ancrage pop-culture et « swissmade » dans le pas de côté délicieux que ni Gaspard Proust, ni Charles Nouveau ne parviennent vraiment à porter sur les ondes hexagonales, tellement occupés à parler de leur condition de mâle mal-ajusté. J’aime Marina Rollman et le public aussi.

La prochaine tête d’affiche du « Festival du rire » genevois jouera donc à domicile mais ne régionalisera pas pour autant son Spectacle Drôle. Elle avance sereine dans les méandres de la toile d’araignée d’une carrière d’humoriste classique entre petites scènes, « propulseurs » médiatiques, plus grandes scènes, « repropulseurs » médiatiques mais étrangers, parrainages de plus grands noms du stand up… En attendant que sa trentième année sur terre soit synonyme d’une ouverture nouvelle à un terrain d’expression humoristique (prime sur TF1? ou présence quotidienne dans Quotidien ou dans C à vous?), voire une place de choix au milieu de la jungle des nouveaux de la vanne chez nous en Suisse, la voilà le vendredi 27 avril en terrain connu à quelques kilomètres de Champel, où la Franco-suisse a commencé à chambrer en série et en famille. On la suivra, quel qu’en soit le prix. Interview de cet espoir devenu talent très sûr, qui ose et qui traîne une chutzpah du feu de Dieu, Amen. 

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SUISSISSIMO: Comme hier dans l’interview effectuée avec Blaise Bersinger à qui j’ai demandé ce qu’il pensait de vous, que pensez-vous de Blaise? 

Je pense que c’est le plus brillant des improvisateurs. Je n’en connais pas beaucoup en même temps (rire). Il est bon sur scène, dans les émissions, il a plus d’un tour dans son tiroir. Il y a une fraîcheur et pas tellement d’automatismes chez lui. On ne voit pas les grosses ficelles de l’humour, les tendances, des trucs qui reviennent régulièrement chez les humoristes de stand-up. Blaise est mobile, ce qui est bien en stand-up, il y a une « physicalité » chez lui. Il porte aussi une forme de gravité dramatique. C’est un comédien complet. Il a une palette de rire géniale. Il a plus envie d’aller chercher le sentiment de gêne, les silences… et puis il est musicien, sait faire la vidéo qu’il a monté lui-même en se contorsionnant dedans. C’est un couteau suisse!

Give it up for Marina Rollman, la reine du stand-up à la franco-suisse ici chez Jamel.

Comment travaillez-vous pour rédiger une chronique à la radio? On dirait que vous soignez l’écriture. Comment est-ce vécu par le public d’Inter plutôt cultivé?

J’essaye d’être à l’heure surtout. C’est sûr que j’aime faire attention à la syntaxe, au  vocabulaire. Je ne lis pas les emails des auditeurs. Tout au plus je reçois des cadeaux des gens venus nous voir à la fin de l’émission. Il ne faut pas lire ce qu’écrivent les gens sur les réseaux, ça peut vous paraître injuste. J’essaye de convaincre Blaise d’en faire autant (sourire).

Comment une humoriste comme vous trace-t-elle son chemin à l’heure de #metoo?

Tout est en train de changer très vite aujourd’hui. La nature des réseaux, c’est bien mais qui peut lire 200’000 articles par jour? On peut très vite arriver à une situation de lassitude. Tout est chassé trop vite sur un fil d’actus.

Comment parler de politique CH aux français? En prenant de la hauteur avec Alain Berset.

Vous sentez-vous un peu comme l’humoriste décalée chez nos voisins gaulois?

Oui, j’ai trouvé une faille puisque je ne viens pas de là (même si je suis franco-suisse). C’est un pays qui est dix fois plus grand que le nôtre. Mais il y a une mixité ethnique et religieuse qui est géniale en France. Il y aussi beaucoup de règles et une centralisation aussi. Il faut juste élaguer ce qui dépasse. En tant qu’outsider – en Suisse, on est toujours l’outsider de quelqu’un, on n’est pas le dominant, c’est une certaine chance – je pose des questions parfois valides comme « c’est quoi un RIB »? Car d’après moi un RIB (relevé d’identité bancaire) n’est pas un terme représentant une norme internationale que je sache. Donc je n’ai pas tort. Et d’après mes observations, je pense qu’on n’a pas souvent tort en France (rires). Donc c’est plutôt aisé de faire un pas de côté quand on est suisse sur les ondes d’une radio française ou sur scène. C’est exotique aussi car on partage tellement de choses entre Romands et Français. Mais vous savez la France a ce côté « Ancien Empire », avec à une époque la moitié du monde qui parlait français.

Le fait de parler du président de la Confédération à la radio publique française doit beaucoup vous amuser…

Ce que j’ai voulu dire en faisant cette chronique sur Alain Berset est surtout que le rapport des Français avec leurs hommes et femmes politiques est très différent du nôtre. On a un manque de regard sur nos propres personnages historiques en Suisse. Des lacunes, à part peut-être pour le Sonderbund. Et c’est évident qu’on n’est pas assez au courant de notre vie politique.

Vous avez fait de la scène aux Etats-Unis avec Gad Elmaleh, c’était comment de voir un as du stand-up transposer son art sur de petites scènes new-yorkaises?

Il est impressionnant. Ses références culturelles ne sont pas transposables. « La Chèvre de Monsieur Seguin » avec un accent marocain, ça ne se traduit pas. Le « Blond », c’est pareil. Mais il est drôle quand il bouge. Il a aussi réussi à chanter en yaourt chez Conan O’Brien (NDLR: une référence des late-night shows), ça prouve bien que l’humour et le nôtre en l’occurrence voyage bien partout.

On dirait que ça vous plaît plutôt bien l’humour juif américain, non?

C’est vrai. Il y a cette irrévérence de ces prolos arrivés dans des vies d’intello. Des petits gamins des rues devenus humoristes. Culturellement, je suis proche d’eux.

suississimo

Propos recueillis par David Glaser

Le « Spectacle drôle » de Marina Rollman, vendredi 27 avril au Festival du Rire de Genève.

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