Le nouvel humour suisse romand, on le connaît! C’est Wiesel, Rochat, Rollman, Cuche et Barbezat… euh non plus Cuche et Barbezat… mais leurs lointains cousins Kucholl et Veillon bien sûr. La liste est longue et elle comprend les plumes taillées à à la tronçonneuse et l’encre au goût d’huile de vidange acidulée Yann Marguet, Eric Grosjean ou encore Blaise Bersinger, tous d’ici s’inscrivent dans cette vague de radioteurs matutinaux, tous élevés (tôt donc) sur Couleur 3 (merci Billag). Blaise Bersinger est lausannois, vaudois, romand, suisse mais il est aussi un peu suisse allemand et peut-être aussi un peu belge, comme Jean-Luc Fonck est un peu suisse sur les bords et au fond. Le nouvel espoir de l’humour made in CH a un univers bien à lui, absurde, direct, décalé, dynamique, bref à lui… C’est une étoile montante (à cheval) qui brille par ses prises de risque perpétuelles. Le problème avec ce genre de proposition absurde, c’est qu’on laisse toujours quelqu’un d’un peu plus hermétique sur le carreau.
Blaise (Blasu comme il se faisait appeler sur les ondes de la radio romande Rouge) s’en moque comme de son premier couteau suisse. D’ailleurs son amie et voisine genevoise Marina Rollman le qualifie ainsi, oui oui de « couteau suisse » tant il sait tout faire, capable de jouer de son physique comme personne et de faire LA vanne qui met tout le monde sur le séant tout en jouant de la musique sans les mains, c’est un acrobate du mot et du son, il me rappelle un peu François Pérusse, l’humoriste québécois contorsionniste du son et grand manitou de la vanne à « double entendre », avec des mots malaxés qui font mouche, des voix accélérées qui estourbissent, des gags en cascade. Blaise, on le remercie d’être là, en Suisse, chez nous, avec un regard assez « bon pour la santé » dans un paysage mondial un peu plus comique (même dans le tragique) que d’habitude. Ce genre absurde qui pourra provoquer les neurones du public genevois jeudi 26 avril au Festival du Rire est en train en prendre et pas que dans notre trop rigoureux pays, c’est un signe que les temps changent.
L’homme est pince sans rire certes. Mais il lâche les chevaux très vite au téléphone quand on lui demande si ça va. « Oui… enfin non » avoue-t-il sans se faire plus précis, tout semble en effet un peu se bousculer pour le jeune homme venu de l’impro et de la radio, comme si le rouleau compresseur des réseaux sociaux l’accompagnait dans chacune de ses parties de campagne médiatique, un peu pour répandre un ruban de bitume pas sec sur le corps de vannes écrasées au sol sans trouver leur public. Qu’il se rassure, il y a beaucoup de fans de Blaise et même un peu plus tous les jours. Aujourd’hui, on le voit en DJ de la vanne en résidence chez Thomas Wiesel dans la case osée occupée avant par les brillants « Vincents ». Mais demain on ira le voir n’importe où son « Peinture sur Chevaux 2 » se posera. Blaise, on l’a compris, est suisse et balance des choses sans crainte de décontenancer (et c’est son point fort). Vidéo à l’appui d’un remix de l’hymne national qu’on ne connaît toujours pas bien après des années d’écolage, d’armée et/ou de protection civile… puis interview par email, à partager sans cesse. Ce Monsieur est un « plus » pour l’humour suisse et il est semble être branché sur une prise universelle. Allez le voir et faites le connaître à vos amis!
SUISSISSIMO: Depuis quand pratiques-tu l’art de la vanne et pourquoi tu en fais aujourd’hui un métier?
BLAISE BERSINGER: Je crois que j’ai commencé un peu malgré moi, tout petit, pour compenser le fait que ma famille ne le pratiquait pas beaucoup. Puis, c’est en commençant les cours d’impro au collège de l’Élysée, à Lausanne que j’ai pu pratiquer ma bêtise et apprendre à la cadrer, aussi… surtout. J’en ai fait mon métier parce qu’un jour, on me l’a proposé.
Il avait envie de faire un projet de ce type depuis un moment et a vraisemblablement toujours souhaité m’avoir en side-kick dans l’émission. J’ai accepté le mandat avec plaisir parce que j’ai cru que ça allait être un programme mensuel. En fait non, il est hebdomadaire. Je vais donc retranscrire un rire jaune par écrit: «ha, ha… ha.»
Il y a de l’absurde… beaucoup mais aussi un ancrage dans l’actualité… un peu. Cette gymnastique a l’air de te correspondre, cependant quelles sont les difficultés quand on fait une performance hebdo?
Me concernant, l’actualité est souvent prétexte pour l’humour. Typiquement, quand j’apprends dans la presse qu’un avion a dû tourner cinq heures au-dessus d’un aéroport parce qu’il avait trop de kérosène pour se poser, j’en fais un sketch de dialogue à la con entre un pilote et la tour de contrôle. Mais dans les faits, je ne parle pas vraiment de l’actualité en question, ni de son impact sur notre société, ni d’écologie, ni d’aviation, ni des conditions de travail dans la soute à bagages… Les difficultés sont l’usure, la routine, l’épuisement. On compare souvent l’imagination à un muscle; de temps en temps, il faut savoir le ménager (le masser avec des huiles essentielles sauvages, ce serait bien, mais j’ai pas encore trouvé comment).
Cris-tu toutes tes vannes seul ou avec un tiers? Thomas Wiesel est-il ton premier public?
J’écris tout la plupart du temps seul, mais il m’arrive d’envoyer un message à Yann Marguet ou Yacine Nemra pour une idée de formulation, un exemple précis à trouver ou, plus rarement, pour une relecture complète d’un papier. Avec Thomas, on ne se sollicite pas souvent parce que nos humours sont assez différents. Mais depuis Mauvaise Langue, je sens que nos styles se rapprochent, on s’échange parfois des répliques, ce qui était plutôt inattendu, à la base. J’aime bien.
Quels sont tes humoristes ou comédiens référents? As-tu le regard tourné vers les artistes anglo-saxons, souvent assez rodés pour le « nonsense », l’humour très décalé?
Bonjour. (Je réalise qu’on ne s’est toujours pas salués, en fait.)
Tu joues au Festival du Rire de Genève. Il y a deux ans j’y voyais Thomas Wiesel… comment appréhendes-tu cette scène, as-tu prévu d’improviser?
Ah, et du coup, je réalise que je n’ai pas répondu à la question, précédente, en fait. Voilà qui est fâcheux.
Blaise Bersinger occupé comme jamais, Couleur 3, RTS avec Thomas Wiesel et la scène…
L’improvisation est ta première formation avant la radio, qu’as-tu appris d’important de cette pratique qui te sert aujourd’hui pour tes différentes activités?
Mince, je n’ai pas répondu à celle d’avant non-plus. Décidément. J’ai grandi avec l’humour de Kad et Olivier, des Inconnus ou plus bêtement de Gad Elmaleh – dont le come-back anglophone m’impressionne. J’ai découvert plus tard les Monthy Python, Alain Chabat et le Saturday Night Live, que j’aime beaucoup.
Dernière question, que penses-tu de Marina Rollman? (Marina fera l’objet du prochain article de Suississimo demain)
Je la déteste et elle pue. (silence gêné, attente, réflexion, rire, puis reprise:) Elle m’impressionne aussi beaucoup par la finesse de ses propos et le sens très affûté de… du… je ne sais même pas comment ça s’appelle. Marina peut choisir un sujet tel que la fréquence des sons des baleines et en faire un papier génial. J’ai beaucoup de respect pour elle et son succès est mérité. En tant que femme, elle en chie davantage que les hommes en terme de critiques et d’attentes. Je trouve qu’elle gère ça avec brio et beaucoup de calme, sans perdre foi en l’humanité, ce qui est parfois difficile à la lecture de certaines réactions du public. Au revoir.
Une réflexion sur “BB DE L’ABSURDE”