SPOTIFIED

Spotify a le sourire, les chiffres viennent de tomber et ils sont positifs. Le streaming est devenu le mode de consommation de la musique qui progresse le plus en 2014 en France. 73 millions d’euros de revenus pour toute la filière : Spotify, Deezer, Qobuz… un suédois installé sur tous les marchés occidentaux majeurs ainsi que deux plateformes françaises moins performantes mais positionnées sur d’autres cibles et d’autres marchés pour ne citer que ces exemples-là. Si les supports physiques représentent encore 71% du marché de vente de production musicale (hors classique) de nos voisins gaulois, le streaming devient la technologie numérique la plus lucrative avec maintenant 55% du marché numérique et des concurrents comme iTunes qui perdent du terrain chaque année sur ce même marché, les téléchargements légaux ne répondant plus autant qu’avant à une demande des consommateurs d’avoir plus de choix et tout simplement plus de musique pour 10 euros en moyenne par mois. Le managing director de Spotify Europe du Sud Yann Thébault était justement à Lausanne vendredi 30 janvier 2015 pour répondre à l’invitation de la FCMA et des Eurockéennes de Belfort. Le français qui a des origines suisses et Franc-Comtoises intervenait dans une de ses tables rondes de l’opération d’aide aux artistes français et suisses « Iceberg » tenue aux Docks. Spotify va bien et continue son développement international en étant implanté dans près d’une soixantaine de pays à travers le monde. Malgré la décision récente de la star américaine Taylor Swift d’enlever tour son répertoire de Spotify (elle a choisi les supports physiques et l’utilisation d’une plateforme relayée par YouTube pour ses clips), l’entreprise suédoise de streaming souhaite toujours rétribuer au plus juste les artistes diffusés sur sa plateforme et encourager les artistes locaux aidés par une meilleure interaction avec les éditeurs et producteurs dans chacun des marchés. Des accords avec des opérateurs téléphoniques comme Orange en Suisse et des accords plus globaux comme la semaine dernière avec Sony PlayStation sur leurs consoles de jeux PS3/PS4 et les appareils mobiles Xperia continuent de permettre à Spotify de viser encore plus d’abonnés (15 millions de payants sur 50 millions d’utilisateurs actifs dans le monde). Dans le paysage numérique actuel, l’ex start-up suédoise dirigée par Daniel Ek n’a pas de problème à damer le pion à quelques concurrents comme Deezer ou Rdio. Son secret, étant son produit, son rapport qualité-prix sur les abonnements (qui permettent d’écouter ses sélections de musique hors-ligne et sur n’importe quel terminal, de ne pas être exposé à la pub audio…) et les services de playlists appropriées aux rythmes de vie. Pour croître, il faut cependant tenter la recapitalisation. Même s’il n’y a pas d’entrée en bourse prévue pour le moment, une levée de fonds a quand même été lancée. Goldman Sachs, mandatée va tenter de rassembler 500 millions de dollars. En chiffres, Spotify a perdu 57.8 millions d’euros en 2013, c’est un tiers de moins que les 86.7 millions perdus en 2012… Donc le « géant » du streaming a de très beaux jours devant lui. Alors qu’Apple prépare sa riposte en améliorant son service Beats (marque rachetée à Dr. Dre et Jimmy Iovine, les actionnaires de la marque de casques audio) en ligne et que Deezer entre aux Etats-Unis via un partenariat avec les enceintes Bose ciblant les audiophiles, on n’a pas fini de vivre cette nouvelle révolution numérique au service de la musique et des artistes. Interview avec Yann Thébault.

Suississimo : La stratégie de Spotify, de votre point de vue, est-elle de continuer de mailler le territoire européen?

Yann Thébault : En Europe, on est présent dans quasiment tous les marchés. Il y a certes encore quelques pays qui n’ont pas nos services. L’objectif est de consolider ce qui existe. A travers le monde, Spotify est présent dans 58 pays au total, ce qui représente 50 millions d’utilisateurs actifs par mois, dont 15 millions d’abonnés payants (NDLR pour un chiffre d’affaires en hausse de 74% en 2013, soit 746.9 millions d’euros). Sur ma zone, on effectue un travail de consolidation des audiences. Ce qui passe par un rapprochement avec les scènes locales pour faire émerger de nouveaux artistes. Autre objectif est de développer notre base d’utilisateurs, notre notoriété et les abonnés payants.

La Turquie est un des marchés dont vous êtes en charge avec la France, l’Espagne, le Portugal, l’Italie et la Grèce?

Ce qui m’a surpris en Turquie est le taux de pénétration du mobile. Aujourd’hui, c’est un gros marché, un gros potentiel. Il faut qu’on arrive à répondre à leur demande en termes de catalogue local. On est confiant. C’est juste magique de voir que la musique n’a pas de frontières.

Spotify peut faire une promotion des artistes francophones à l’étranger?

On essaye de casser les frontières et de faire émerger des artistes locaux dans d’autres pays grâce à cette fonction sociale sur la plateforme qui permet de dépasser les clivages.

Y a -t-il des barrières légales encore handicapantes?

Il faut toujours se battre, mais aujourd’hui on a fait une grosse partie du boulot. La réglementation évolue dans le bon sens car les gens sont sensibilisés aux effets négatifs du téléchargement illégal. Ensuite, c’est une question de maturité de marché. On voit que le streaming se développe car il y a de nouveaux entrants comme Netflix qui contribue à éduquer les gens sur l’intérêt du streaming.

En Suisse, vous avez noué un partenariat avec Orange?

On a eu de très bons contacts avec eux en Suisse. Donc ça s’est finalement fait pour notre plus grande satisfaction. Sinon le modèle suisse fonctionne de manière simple. On utilise Spotify Allemagne pour la version alémanique et Spotify France pour la version romande.

Comment fonctionnez-vous techniquement et éditorialement?

En Suède, on encode 20‘000 nouveaux titres chaque jour à la maison mère. En France, j’ai un chef éditorial qui définit les mises en avant de certains artistes et qui fait des playlists adaptées. Il est chargé de pousser la découverte musicale par rapport à la curation (c’est à dire la sélection, l’éditorialisation et le partage).

Comment travaillez-vous avec les acteurs de l’industrie musicale en charge de la promotion de leurs artistes?

On a un responsable de la promotion-labels qui entretient des liens étroits par rapport à ces questions de promotion d’artistes. On a notre libre-arbitre sur des coups de cœur qu’on peut avoir régulièrement. On a la volonté d’aider les labels en mettant en avant leurs artistes via des playlists, des sessions live “Spotify sessions” dans nos bureaux. Tous les leviers sociaux qui existent sont utilisés pour relayer nos actions.

Vendredi dernier en Suisse, vous participiez à une table-ronde sur le digital dans la musique à l’occasion d’une collaboration franco-suisse pour aider les artistes émergeants. Vous puisez aussi des idées à cette occasion tout en faisant la promotion de votre modèle?

On a cette ouverture d’esprit d’aller vers les bonnes initiatives. La musique est universelle et notre entreprise doit pouvoir fonctionner partout. En Suisse, on est très content de nos résultats.

Taylor Swift a jeté un pavé dans la mare. La très grosse vendeuse de disques aux Etats-Unis a décidé de retirer tous ses titres de Spotify, pourtant, vous estimez être parmi les plus justes dans la rémunération des artistes, alors comment faire pour rassurer surtout ceux qui vendent peu de disques et tournent peu?

YouTube, la radio et le piratage sont des solutions qui monnétisent peu ou pas du tout. Spotify propose une solution viable pour les artistes. On veut soutenir l’équité en termes de rémunération, c’est le coeur de notre bataille : on veut encourager l’émergence des artistes.

Chez vous, c’est Spotify et de temps en temps un bon vieux vinyle?

Non, moi je suis très “digital”, donc je n’ai que Spotify. J’ai abandonné les vinyles et les CDs il y a longtemps. Chez moi, je garde néanmoins quelques CDs auxquels je suis particulièrement attaché et quelques disques en vinyle même si je n’ai plus de platine. Ce sont plus des objets collector auxquels je tiens. Mais pour écouter de la musique, j’utilise Spotify. On a développé une technologie qui s’appelle Spotify Connect qui permet de piloter sa musique depuis sa tablette ou son téléphone directement sur des enceintes. Une centaine de partenaires proposent cette technologie. On n’est pas interrompu par des appels entrants. Et ça contribue à nous placer à la première position des plateformes d’écoute en ligne aujourd’hui.

Avec Jean-Paul Baudecroux, fondateur et CEO de NRJ puis Daniel Ek le fondateur et CEO de Spotify, vous avez été bien inspiré de travailler avec de véritables visionnaires, vous vous faites cette réflexion?

J’ai beaucoup de chance, ce sont des opportunités que la vie vous offre. Quand j’ai rejoint Spotify, très peu de gens nous connaissaient. On était moins de cent personnes à l’époque. Aujourd’hui, on est plus de 1’500. Le modèle démarrait, il a fallu y croire et développer une vision de ce modèle. Je partageais cette vision avec Daniel sur le long terme. J’ai cru au produit, à l’équipe et je suis ravi de faire partie de cette aventure qui est une révolution dans l’industrie musicale.

Comment s’est passé votre entretien avec Daniel Ek?

Ce fut assez particulier car il était plus jeune que moi. C’est un homme accessible, sympa… On a beaucoup discuté sur l’avenir de la consommation de la musique, c’est aussi ce qui m’a séduit. A Spotify, il y a un état d’esprit suédois sur l’équité, le partage, l’équilibre entre le privé et le professionnel, ce côté pragmatique dans l’organisation des équipes.

Propos recuillis par David Glaser

www.spotify.ch

http://www.fcma.ch/operation-iceberg

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