AMERICAN WOMAN

Il y a des rencontres qui marquent. La fois où j’ai fait connaissance avec Shana Pearson, ce fut dans les locaux de WRS installés en bas de la Tour de la TSR à Genève en 2009. La radio anglophone, où je travaillais en tant que programmateur musical, était à l’époque un des trois programmes de la Radio Suisse Romande dont la politique musicale était définie par une équipe installée à Lausanne. La coloration musicale du réseau numérique suisse anglophone n’était pas du tout proche de l’univers de celle qu’on appelait encore Shana P. Mais l’artiste  genevoise qui m’avait contacté directement présentait un profil intéressant. Une voix proche de Mariah Carey qui ne laisse pas insensible, un son bien à elle, une qualité de production rare pour une jeune artis suisse et une double culture. Aujourd’hui, libérée de tout contrat avec une maison de disque, la chanteuse prépare son retour et a accordé à Suississimo une interview.

Pas encore 30 ans et une expérience très riche : Shana Pearson est donc cette chanteuse de Genève née à la scène comme dans le couffin au sein de la Cité de Calvin, sous une bonne étoile. Ne l’appelez plus Shana P comme dans les années 2000 : le P s’est envolé et le patronyme a retrouvé son intégrité. Shana Pearson a recouvré sa liberté d’artiste pop en assumant son nom complet et en rendant un petit hommage au nom de la famille de sa mère originaire du Michigan. Shana est un «moniker» qui semble coller à une personnalité de chanteuse aux multiples rêves et ambitions. La genevoise est la copine idéale d’ados romands en mal de porte-paroles locaux de leurs émotions, de stars nationales qui touchent au palpitant. Shana a voulu gardé son surnom qui colle désormais à de nouvelles productions vidéo (une reprise de Sam Smith). Les clips de boîte de nuit ou dans les rues en bord d’océan de LA ou Miami semblent représenter une époque révolue.

SHANA PEARSON A CHOISI DE RETROUVER SA LIBERTE D’ARTISTE

La chanteuse donne du rêve sur la toile et touche peut-être enfin la bonne formule pour ravir un public trop concentré sur Genève et France voisine. Etre au plus prêt de l’os, gagner en originalité, en authenticité est une réalité mais le chemin est encore long. Il faudrait rencontrer la bonne personne, le mentor… un producteur qui sache comprendre Shana Pearson. Les épisodes précédents en compagnie de managers-producteurs n’ont pas été les plus heureux. Travailler avec cœur et passion, favoriser les rencontres, continuer à écrire, voilà ce qui anime Shana au quotidien. Elle tire le meilleur de sa personnalité, de ses voyages, de ses rencontres et transforme cette manière en chansons. Pas encore sur la scène de Label Suisse en tête d’affiche, ni aux Swiss Music Awards 2014 avec un trophée, ce n’est pas grave, après tout «Regarde-moi» fut disque d’or en 2009 en Suisse et les Swiss Music Awards l’ont déjà consacrée comme meilleure espoir Suisse du R&B. Quatre ans plus tard, « Love Inferno » en 2013 recelait de hits et laissait présager de beaux espoirs. L’exposition radio étant une science aléatoire, ses chansons les plus diffusées en radio n’étaient pas forcément celles qui habitaient l’album. Un duo majeur avec un artiste new-yorkais Big Ali, pour le hit « Distress » (classé au Top 50 français et en rotation à l’époque sur des radios comme NRJ) était passé par là entre-temps.

La première partie de Beyoncé au Hallenstadion, ce sera pour plus tard. Peu importe, l’espace temps dans l’univers de Shana Pearson prend en compte les notions de patience et de coup de cœur. Avec des chansons mises en images chez elle, du Sunshine State à la Freeway 101, Florida, California… il y a une envie de se faire plaisir, un côté «Can Do» à l’américaine chez elle. Car oui, les Etats-Unis, c’est aussi chez elle. Shana a accédé au rang des jeunes pousses ou pop stars en herbe nées en Helvétie, façonnée au son américain, « bankable » à l’étranger grâce à ce duo avec Big Ali mais il est à parier que son troisième album sera tout autant efficace même s’il se présente sous des contours différents (on parle d’un album plus pop que R&B). A l’heure de la remise en question artistique, Shana pourrait aller à l’essentiel, utiliser sa voix nue ou sur un lit musical épuré comme un meilleur moyen de toucher le cœur de ses fans et ne pas avoir à se résoudre à singer les divas aux voix de velours made in USA. Ne nous voilons pas la face, Shana a aussi la plastique des stars aidées par la nature. Pour prendre la lumière et faire des télés, c’est préférable. Reste à donner naissance à ces nouvelles chansons pour devenir un repère définitif de la pop de chez nous. Elle vient d’ailleurs de proposer « Kevlar Heart » aux présélections de l’Eurovision 2015. Voici une interview exclusive pour Suississimo.

Comment avez-vous commencé dans la musique?

C’était à l’âge de 7 ans, c’est devenu officiel quand j’ai commencé à chanter dans une chorale d’enfants. J’y ai fait des parties en solo. On a enregistré un album quelques années plus tard.

Vous avez les deux nationalités américaine et suisse, vous vous sentez quoi au juste?

Je me sens vraiment à la fois suisse et américaine dans ma vie de tous les jours. C’est un vrai cadeau que d’avoir plusieurs nationalités. A travers ma musique, je me sens certainement plus américaine car je n’écris qu’en anglais et j’ai grandi avec des artistes du monde anglophone (Whitney Houston, Michael Jackson, Elvis, The Supremes, Motown, etc.). Ma mère est du Michigan. Elle a beaucoup écouté les artistes de Motown.

Etre américaine en Suisse, ça représente quoi?

C’est cool ! (elle rigole). Je pense que j’ai l’ouverture d’une américaine et l’organisation d’une suissesse…

Quand avez-vous pris conscience que vous aviez des qualités de musicienne?

Je me souviens que je chantais en écoutant la radio quand on voyageait pendant des heures en allant en Italie avec mes parents quand j’avais 4-5 ans. Quelques années plus tard, j’essayais d’imiter la technique vocale de Whitney Houston sur « I Will Always Love You ». Essayer d’imiter ce que tu entends t’aide à développer tes techniques vocales, en tous cas, ça m’a aidé.

Quel est votre rêve musical, votre projet artistique?

Me sentir libre dans mes choix musicaux. Etre en mesure de voyager à travers le monde et partager ma musique avec autant de monde que possible.

Comment distribuez-vous votre musique?

J’ai d’abord été signée sur un label indépendant installé à Genève pour six ans mais on s’est séparé en mars dernier. Maintenant, je me concentre sur l’aspect créatif et plus tard quand je terminerai un projet précis, je verrai alors comment procéder. Soit je cherche une maison de disques pour distribuer ma musique ou je le fais moi-même. Aujourd’hui, tout le monde peut avoir un album distribué sur iTunes!

Quelle a été votre impression après vous être produite en France?

J’ai senti que tout était possible. Tout ce que j’avais à faire pour que ma carrière décolle en France était de composer un nouveau hit. J’ai eu la chance de collaborer avec Big Ali sur sa chanson «Distress». A cette époque, il était signer sur Sony Music et tout était beaucoup plus facile en matière de distribution, de couverture radio.

Comment vos fans s’expriment-ils leur soutien?

J’ai remarqué que la plupart sont restés fidèles et ça depuis le début. Je leur en suis très reconnaissante. Quelques-uns des fans les plus jeunes avaient 14 ans à l’époque et maintenant ils en ont 19 et viennent toujours aux concerts. J’ai l’impression d’avoir un lien d’amitié avec eux. Ce que j’ai aussi remarqué, ces dernières années est que j’ai toutes ces générations à mes concerts. C’est une sensation géniale d’avoir des spectateurs de tous les âges.

Vos vidéos sont soignées et tournées pour quelques-unes d’entre elles aux Etats-Unis, pourquoi?

J’aime quand mes clips ont une histoire à raconter. Comme pour les deux vidéos tournées aux Etats-Unis, l’une à Miami, l’autre en Californie. L’idée pour cette dernière vient de moi. Je voulais depuis longtemps faire quelque-chose à Los Angeles. J’ai contacté quelques réalisateurs et j’ai fait la connaissance en ligne avec Rustam Vakilov. Il a réalisé la vidéo de « Our Love is Old », c’était une expérience magique! Le rêve Américain! On a tourné toutes les scènes dans les endroits les plus typiques de Los Angeles, Venice Beach, Beverly Hills ou Santa Monica. Pour les scènes de Beverly Hills sur Rodeo Drive, on a dû tourner dans le style « Guerilla », sans permis, ce qui nous a donnés encore plus d’adrénaline et de plaisir.

 

Comment se comportent les médias suisses vis à vis de votre musique?

Je suis très reconnaissante de la façon dont les médias m’ont soutenue, plus particulièrement en Suisse romande. Quand j’ai publié un nouvel album ou un single par le passé, les radios et la presse écrite ont toujours proposé d’en rendre compte. Je ne peux pas me plaindre.

Vous vous sentez comme une outsider ou une artiste reconnue et soutenue?

Je me sens soutenue mais quand vous êtes indépendante, vous devez montrer encore plus de détermination et faire vos preuves dix fois plus. Les efforts sont décuplés pour produire de la musique et pour la promouvoir.

Musicalement, vous avez un penchant pour le R&B ou est-ce que votre spectre est plus large?

Je pense que ce sont les médias qui essayent de me ranger dans un style particulier. J’aime toutes sortes de musiques. Pop, Soul, Gospel mais aussi Reggae, Rap ou Rock pourquoi pas? Je n’ai pas de limites.

 

Qu’aimez-vous écouter en ce moment?

En ce moment, mon gros coup de coeur est Sam Smith! Je suis amoureuse de sa voix et de sa musique.

Qu’écoutiez-vous plus jeune?

En grandissant, c’était Michael Jackson, Whitney Houston, Boys II Men, 2Pac (grâce à mon frère), Mariah Carey, Lauryn Hill, The Fugees, donc plutôt de la musique RnB-Soul, de la musique « Black »! 

Que faisiez-vous ces derniers jours en Amérique du Sud?

J’y étais pour créer des contacts sur place. J’étais à Bogota (j’espère y jouer en 2015 mais je ne peux pas en dire beaucoup plus pour le moment) et sur la côte nord colombienne pour quelques jours de vacances.

Quand allez-vous tourner en Suisse? Que ressentez-vous sur scène? Avez-vous par ailleurs le soutien d’un producteur?

J’espère que ce sera autour du monde et pas seulement en Suisse. J’adore la scène, c’est la meilleure sensation du monde et je voudrais que ça ne s’arrête jamais. Quand j’étais sous contrat, mon producteur était aussi mon manager et mon éditeur… Mauvaise idée… Dorénavant, je fais tout toute seule et j’ai toujours été plutôt indépendante quand je prenais des contacts, démarcher des organisateurs de concerts même quand j’étais signée. Donc la différence n’est pas si importante.

Quels sont vos endroits préférés à Genève, Lausanne, Berne et Zurich?

A Genève en été, j’aime faire du paddle-board. Je vais d’habitude à Versoix pour ça. A Lausanne, je vais souvent au Lausanne Palace pour boire leur Ginger Ale maison au bar. Ce n’est pas dans le menu mais ils m’en servent à chaque fois que je leur demande. A Zurich, j’adore marcher autour du lac et dans la vieille ville. Zurich est une de mes villes préférées en Suisse. Elle a un côté unique. Berne me plaît pour ces passages près du fleuve. J’aime être proche de l’eau en général que ce soit un océan, une mer, un lac ou une rivière.

Quels sont les autres artistes suisses que vous aimez?

J’ai récemment découvert un artiste suisse nommé James Gruntz. J’adore sa musique tout comme Pegasus et Cauliflower (je partage leur même batteur). J’aime énormément les nouveaux DJs Disclosure, Duke Dumont et Robin Schulz.

Propos recueillis par David Glaser

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