Le mercredi 22 novembre 2023, Peter Hook sera en concert aux Docks de Lausanne, une occasion pour faire le point sur 47 ans de carrière d’un bassiste qui a choisi de faire revivre presque tout un répertoire de deux des formations qu’il a contribué de faire exister tout autour de la terre, d’abord avec un quatuor nommé Joy Division et incarnant le genre post-punk, puis avec New Order, projet hybride réunissant des influences electro Kraftwerkiennes et des éléments indie-pop d’époque 80’s et 90’s. Les membres de New Order ont atteint des sommets de popularité incroyables pour ce genre, ils furent proches de The Cure, The Smiths, Echo and the Bunnymen ou Depeche Mode au sein d’une famille de groupes de rock qui ont pour les plus chanceux (Cure et DM) survécu aux tempêtes. Interview avec le bassiste historique responsable du « son-signature » des deux formations Peter Hook, en version originale audio non sous-titrée. Retrouvez la version écrite de l’interview en cliquant ici.

Joy Division est une bouée lors d’un naufrage, un phare en mer d’Irlande, une formation qui n’en finit pas de fasciner, phénomène renforcé par la mort de leur chanteur Ian Curtis en 1980, ä peine quelques mois après la sortie du premier album du groupe. Musicalement, Joy Division apportait au punk rock de l’époque une touche de subtilité, de poésie et de profondeur. Les musiciens ont aussi pu mette en exergue quelques sons qui n’avaient pas spécialement de résonance dans le magma d’époque. D’abord, cette production froide, clinique, on peut se retrouver figé dans ces atmosphères glaciale, y trouver un confort, une madeleine pour l’heure du the. Certaines productions d’époque avaient le don de manier la touche pop, polissante, permettant de toucher les masses et de placer la musique dans un territoire beaucoup plus vaste.
Martin Hannett, le réalisateur jusqu’au boutiste que Factory Records avait choisi, a tout préparé en coulisses dans sa cervelle de génie mais vraisemblablement le groupe a eu du mal d’accepter ce son qui n’était pas vraiment le sien en studio de répétition. Mais finalement Joy Division a trouvé une signature avec cette basse de Peter Hook accrochée aux notes hautes enchaînées de manière martiale voire gentiment machinale, un technicien et un magicien. L’équipe de Hooky a compris que cette musique allait percer le coeur des gens parce que justement le groupe avait beaucoup de facilité pour faire passer ses sentiments, beaucoup de sensibilité.
New Order après la mort de Curtis a eu aussi son lot de chansons dans lesquelles la note sentimentale prenait une importance folle. Joy Division et New Order viennent d’une ville de la vague industrielle du XIXe, la révolution s’y est produite en premier lieu. Ce modèle de combo culturel prolo-arty qui sied aux groupes de punk-rock de l’époque est indissociable de Manchester. Joy Division et New Order sont donc indissociables de Manchester. Quand on n’a pas d’autre choix que de partir dans une direction musicale comme celle qui fut la leur, dans une ville en effervescence mais déclassée du fait de son position excentrée, alors on lâche absolument tout pour foncer dans cette direction expérimentale et originale, puis on se donne a 1000 % sans regarder en arrière. On fait et c’est tout ! Et New Order a fait, en s’ouvrant aux genres du moment, de la pop électronique aux relents de disco-funk, en passant par des beats froids et planants des séquenceurs et synthétiseurs qui deviennent sources de créativité infinie, et ce avant l’arrivée de la house et des raves.
La première partie de notre entretien en anglais, avant la venue de Peter dans la salle des Docks de Lausanne concerne les avis du public suisse et du public mondial, des souvenirs d’équipement de New Order rendant l’âme en Suisse jusqu’aux grands messes de ces dernières années avec les hits de New Order/Joy Division et les obscures B-sides ensemble et un orchestre The Light qui donne tout ce qu’il a. Hooky adore l’idée de redonner vie a un nombre incroyable de chansons des deux groupes mis au rebut pendant des années. On aime Hooky pour ce choix.
Je parle avec Peter Hook de tout l’heritage de 45 années de 45 tours symboliques de la pop, de « Blue Monday » ä « Regret », deux de leurs plus grands succès mondiaux de New Order, le dernier figurant en bonne place dans des set-lists qui ne laissaient que peu de place a certains singles plus discrets de la discographie foisonnante de New Order, je pense aux hits « Round and Round » et « Fine Time » issus de l’album extrêmement plaisant qu’est « Technique » ä la fin des années 80 et qui ont été choisis par Hooky pour des tournées aux USA et au Royaume-Uni. New Order et Peter Hook ne font plus route commune, mais ils peuvent puiser dans un ensemble de titres fabuleux, riche et résolument intergénérationnel.
La boussole dans le brouillard qu’est la chanson de (des)amour « Love will tear us appart » est tout le temps présentée dans le show de Peter Hook pour le plus grand plaisir d’un public qui a une chance unique de revivre des moments comme il n’en peut-être jamais eu, avec un des membres fondateurs de Joy (ils sont trois Hooky, Bernard Sumner et Stephen Morris). Cette chanson a fait le bonheur de millions de Britanniques écoutant la radio nationale avant d’aller au travail. Je parle de cette matinale estivale avec Mark and Lard sur BBC Radio One en 1997… Hooky reconnait bien l’histoire, d’ailleurs ils donnaient ces messieurs et revoit son voisin Marc « Lard » Riley de temps en temps dans le quartier dans lequel il a élu domicile. A cette époque, malgré Tony Blair et le New Labour, une sorte de Macronisme avant l’heure, la radio était bourrée de conservatismes, le Top 40 et la Britpop avaient un peu cassé le morale des troupes avec les Spice Girls et la fausse-rivalité entre Oasis et Blur. New Order continuait ä chercher dans le format pop les melodies absolues et les refrains imparables, le postulat neworderesque que la pop britannique devait d’abord être inventive et avant-gardiste tout en touchant les gens a tenu. 20 ans après la mort de leur chanteur Ian Curtis, Joy Division/New Order mettait au monde « Get Ready » un album qui au regard de ce que le LP labellisé FACT. 50 « Movement » a su combiner en son temps (1981), rassemble la force mélodique de Peter Hook, Bernard Sumner, Stephen Morris et Gillian Gilbert puis quelque chose de physique, de puissant, la basse y est encore omniprésente.
Toutes les voix de New Order étaient assurées par Barney Sumner sauf sur l’album « Movement » justement, le premier après la disparition de Ian Curtis, Hooky prenant avec brio les parties vocales en tant que chanteur principal de New Order sur « Dreams Never End » et « Doubts even here », Ian Curtis avait laissé chanter Hooky des chansons comme «Interzone ». Hooky a toujours eu une attirance pour cette fonction de vocalise sans pouvoir avoir toutes les capacités. Je parle de tout cela a Hooky qui n’a aucune difficulté pour embrayer et parler de toute cette matière, de toute cette vie aigre-douce entre façons de se diviser sur l’amour portée aux chansons au sein de New Order et cet aspect froid, sans affect qu’il constate chez ses ex-collègues, regrettant d’avoir été rejeté de cette manière… Il y a une justice, le Heart and Soul est dans le camps de Hooky and the Light maintenant.
Par DAVID GLASER
Merci aux Docks de Lausanne.