La famille Gallagher se porte à merveille, merci pour elle. L’aîné, le génial compositeur de « Don’t Look Back in Anger », hymne de la ville de Manchester ressorti du coffre à l’occasion du deuil suivant l’attentat de l’ex-GMEX, est de retour avec un magnifique album. L’auteur de ces tubes interprétés par Oasis propose avec « Who Built the Moon? » un voyage hybride et racé mélangeant des sons organiques à de l’electrorock équilibrée, des artifices de pop et de northern soul, de rock psyché et de glam scintillant. Si Liam a réussi son retour avec son propre album « As I Were » (son premier album solo très réussi), Noel continue lui d’arriver accompagné de son clan avec panache et grandeur: les musiciens estampillés High Flying Birds sont Mark Rowe au piano et Jeremy Stacey à la batterie et ils ont resigné pour un troisième album. On notera la participation de Johnny Marr et de Paul Weller, deux amis de Noel, fidèles et plutôt inspirés d’avoir accepté de renforcer le roster de musiciens de talent qui peuplent ce troisième album de Noel Gallagher. Passage en revue des titres, un par un.
Fort Knox (3/5)
Avec David Holmes à la barre, le cocktail musical est dense et très déroutant. Santa Gallagher entre dans nos oreilles par effraction avec un gros son qui fait beaucoup de bien. Fort Knox mise sur l’absence de vocals, une introduction comme on en faisait beaucoup sur scène dans les années 90. La sirène annonciatrice que quelque chose de grand se trame ici. On pourrait se croire dans un film d’action avec la bande-son d’une course poursuite. Il y a de l’urgence, des échos lointains, une peur… Les échos de Gallagher sur « You Gotta Get Yourself Together » racontent peu d’histoires ou alors un petit résumé de ce que serait un lendemain de cuite, un lendemain de Brexit ou quelque chose de pas drôle- Le travail de production est léché, grandiloquent par moments, surprenant, on est si loin du Noel Gallagher d’antan. Et ça fait du bien.
Holy Mountain (4/5)
« Get It On » de T-Rex, le remix ? Non mais il y a de ça. « Holy Mountain » commence comme un « Da Doo Ron Ron » pour escalader un mur du son fantasmé, l’entraînement, le roulement, le mécanisme du groove réglé comme une machine est parfait. Il y a du « Wall of Sound » courtesy of Phil Spector, des trompettes « Bolaniennes », de la morgue « Bowiesque ». C’est Jingle Bells Glam chez Noel le « régaleur ». L’attitude rappelle « She’s Electric » du groupe Oasis avec cette dimension très futuriste compte tenu du background d’influences suscité. On reconnaît le talent d’agrégateur du compositeur mancunien. Les sifflets déjà entendus chez XTC dans les années 80 rappelle qu’on fait de la pop quand même. On est bon client de ce morceau qui rappelle les earworms d’Oasis avec ce refrain ad libidum « She fell, she fell under my spell », mots simples, effet mémoriel garanti ! Notez le renfort du Jam Paul Weller à l’orgue pour une touche mod à la mode 2017.
Keeping on Reaching (5/5)
De la facture plus proche de la Northern Soul, comme Paul Weller aurait fait il y a vingt ans. Noel Gallagher joue encore avec les fantômes de la pop fortement teintée de musique noire autrefois portée par ABC ou The Blow Monkeys avec classe vestimentaire mais avec la patine pour plaire aux photographes de Smash Hits. Sauf que là, on est dans un registre beaucoup moins reluisant en fait, le sax est à la limite du décalage et la voix suave de Noel Gallagher finit par se déchirer sur des rails légèrement rouillés. Très bonne soupe populaire que ce « Keeping on Reaching », on devrait parler de velouté. Bravo. L’album est pour l’instant en crescendo mais on en est qu’au troisième morceau.
It’s a Beautiful Life (2/5)
Morceau agréable mais peut-être trop neutre. On cherche l’originalité mais ça ne vient pas. Ne jamais parler trop vite. Les riffs réguliers du début lancent une chanson agréable pourtant. L’influence orientale de la tournerie est légèrement perceptible. Le groupe qui accompagne Noel assure une présence un peu flottante, avec ce sentiment de glisser sur la voix pleine de réverbération de l’aîné Gallagher. Des musiciens d’Oasis ont rempilé aux côtés de Noel pour une mouture quand même assez proche de la période la moins inspirée du groupe. Message en français « Les frontières se referment. Inspirez… expirez » dit la dame comme dans un rêve. On apprécie l’alerte dans notre langue mais on n’accroche vraiment pas.
She Taught Me How to Fly (4/5)
Il y a de la magie, un groove féroce, un ritournelle à la Sebastien Tellier tenue sur une basse tendue et affriolante. On a du Blondie en tête en écoutant cette chanson, du Donna Summer aussi .C’est sexy et les images de voyage aérien font rêver. Le chant est bien en avant, le riff du refrain caresse là où il faut, l’apport d’effets est plutôt bien trouvé. L’élément electro de ce morceau est plutôt équilibré, tout en étant délié et parfaitement policé.
Be Careful What You Wish For (3/5)
On reconnaît, il y a du Pink Floyd, du Eric Clapton dans l’instru. Apport précieux des vocals féminins en filigrane, une vraie fresque psychédélique, agréable, bien faite mais qui ne donne pas sa pleine mesure en matière de nouveauté. On se contente volontiers de la rêverie qui se dégage du morceau, de l’intensité sexuel. Noel Gallagher montre ici encore son sens de la mélodie.
Interlude (Wednesday part 1) (5/5)
Deux minutes dix qui auraient pu être jouées par Radiohead avec des arrangements soyeux, éthérées, planants… Bertrand Burgalat, le patron de Tricatel (qui s’est déjà illustré par ce genre de compos par le passé) aimera cet album qui invite tout plein d’époques, d’influences anglaises et d’ailleurs. Cet transition instrumentale est grande et belle.
If Love is the Law (4/5)
De la pop grandiose, un beat de batterie travaillé en fûts de chêne, des guitares amplifiées dans du ceviche d’harmonica du spécialiste de la cause pour The The, un certain John Maher, plus connu sous le nom de Johnny Marr, ancien guitar-hero des Smiths et « guestar » d’Oasis. C’est acidulé, piquant et frais. On a cette bande-son de Noël qui nous manquerait temps aux côtés du Rat Pack et Mariah Carey, tout ce qu’il faut dans un couloir glacial de Waterloo Station ou un hall de mall abandonné dans le Dakota.
The Man Who Built The Moon (5/5)
Chants martiaux et choraux en arrière-plan, véritable musique cinématographique (tendance films noirs ou BO de James Bond, vous choisirez). Alternance d’effet cathédral très bien senti et break salvateur pour relancer la machine avec refrain aux tentations symphoniques. Tube assuré, peut-être pas celui de Noël mais au moins de la fin d’année.
End Credits (Wednesday part 2) (5/5)
Voilà les sons originaux venus avec David Holmes (lui qui avait renvoyé gentiment Noel Gallagher à la maison avec ses démos estimant que le travail de ses maquettes était déjà très abouti en 2015 pour la sortie de « Chasing Yesterday »), on aime cette fin d’album.
Dead in the Water (5/5) (Live pour la RTÉ, Radion nationale irlandaise de la République d’Irlande)
Une chanson acoustique qui ne s’inscrit pas exactement dans le grand mélange de l’album mais qui rappelle à quelle point une prestation acoustique ou live traditionnelle de Moel Gallagher et de ses High Flying Birds est une expérience agréable et si vous êtes sympa au premier rang, il vous propose de choisir la prochaine chanson, comme ici à Montreux.
Note finale : 4/5
Par David Glaser, zieggla@gmail.com
Merci à Valentina et Ray à Phonag/Sour Mash