LES ANNÉES 3X3 COMMENCENT

Discipline olympique pour la première fois en 2020 à Tokyo, le 3X3 va peut-être vous retourner comme un contre de Hakeem Olajuwon sur la tête de Dennis Rodman circa 1992 en NBA, la ligue maîtresse du basket mondial. C’est une petite révolution qui est en train de se produire, du continent asiatique à l’Europe en passant par les Amériques, terres fertiles de la balle orange où est né le basket en 1891. Le 3X3 apporte une touche de « street credibility » à la grande famille des sports avec panier comme le handibasket, le netball ou le beachbasket (oui ça existe), et ce depuis 2010. Le 3X3? C’est du simple 3 contre 3 sur demi-terrain mais on coupe le chrono en deux, laissant aux trois joueurs sur le terrain d’une équipe de quatre 12 petites secondes pour enclencher un tir au panier. Chez les pros du basket « 5X5 », c’est 24 secondes. Imaginez la différence de rythme, c’est une vraie accélération. Les tirs pleuvent, engendrant autant de rebonds décisifs ou de basculement d’un côté à l’autre du terrain. Voici donc un coup de projecteur sur le dernier bébé de la Fédération internationale de basket-ball, la FIBA. « La Maison du Basket » sise dans les locaux de la fédération internationale à Mies, à quelques minutes à vol d’oiseau de Genève, qui rassemble les plus belles pièces de memorabilia du basket, aura bientôt des trophées, des maillots pour rejoindre le ballon distinctif bleu et jaune du 3X3 en vitrine tant l’engouement pour le sport est fort cette année, quelques jours après une coupe du monde en France qui sacre la Serbie pour la quatrième fois.

Pour les fans de basket, la rue est un paradis. Dans toutes les villes du monde, les enfants remuent leurs émotions sur un ruban de tartan ou de goudron, cognant la gonfle sur le sol à rythme régulier, la faisant aller et revenir entre les jambes dans un enchaînement de dribbles déroutant, c’est le street-basket, une discipline non officielle, une version punk du basket du maître Naismith, son inventeur, un sport qui intègre tous ceux qui se présentent au hasard sur le bas côté du court comme dans un rituel bien huilé partout dans le monde pour intégrer une équipe improvisée en cours de jeu. Cette culture urbaine, qui a ses codes, où l’affirmation de soi va de pair avec son outillage vestimentaire (des sneakers au pied sont nécessaires et si possible, celles promues par la galaxie des champions de la NBA), cette culture mêlée à une attitude un peu rebelle et une certaine nonchalance sur les règles défensives propres à tous sports collectifs s’est propagée à travers le monde comme une traînée de poudre grâce à des ambassadeurs de grande classe comme Michael Jordan, Kobe Bryant ou Kevin Durant plus tard. Mais le « Street », ça existe depuis quarante ans. L’équipementier Pony avait déjà pour habitude dans les années 80 de mettre des stars comme Spud Webb sur le playground pour vendre ses chaussures.

Cette culture d’affranchissement d’une grande partie de l’arsenal des règles qui régissent le Basketball classique n’a rien à voir avec celle du foot de rue, moins ritualisée autour du playground puisque le ballon rond peut rouler absolument partout. Le « Street » est une sorte de compilation de repères issus de la culture des quartiers populaires, de l’ambiance des matchs de la NBA, de la magie des skate-parks avec cette intensité créative au service du trick, du style, une forme de danger même dans certains quartiers où les fans viennent voir les rencontres (Harlem) en s’agglutinant à deux centimètres des lignes de démarcation. La musique hip-hop – de préférence – est là aussi. Les images venues de la NBA, de vieux films références comme « White Men Can’t Jump » ou encore de vieilles gloires du « street » dans des compétitions comme le Quai 54 voire de nombreux événements en Chine ou aux Etats-Unis sur le célèbre Rucker Park de Harlem avec un certain Kevin Durant (champion NBA 2017 avec Golden State Warriors) tout cela devait finalement faire émerger des idées de sports à part entière.

Du street à l’olympisme, il n’y a qu’un double-pas

C’est ainsi que le sport de playground en plein air, sous les lignes de métro aérien parisien ou dans des sortes de courts « encagés » près de Washington Square à Manhattan par exemple, a évolué en un sport officiel tout nouveau tout beau à la fin de la décennie 2000: le 3X3. La FIBA ne souhaitant pas ignorer la montée de ce basket en liberté a donc eu la bonne idée de placer ce « produit alternatif » au basket 5X5 à la papa, en créant une discipline partant d’un sport pour arriver à un spectacle à part entière avec dans les grands rendez-vous mondiaux des attractions dignes des soirées All Star en NBA ou en LNB (ligue pro française) avec des concours de dunks et de tirs à 3 points. Le 3X3 est né et avec lui un parcours mondial pro dans son approche: le World Tour. Aux côtés du magnifique et passionnant sport à la balle orange numéro un aux Philippines, dans les Pays de la Loire ou à Monthey, le petit frère 3X3 se fait donc aujourd’hui une place au soleil. Pour preuve le succès du FIBA Open organisé à Mies il y moins de deux semaines et rassemblant 130 équipes, dont une trentaine rien qu’en baby-basket et 550 joueurs en tout pour une discipline née officiellement en 2010 aux Jeux olympiques de la jeunesse à Singapour. En 2020, le 3X3 sera consacré sport olympique à Tokyo. Le début d’une reconnaissance du très grand public mais ce ne sera pas une curiosité comme pour le rugby à 7, son développement mondial étant déjà très bien avancé. Après 2020, ce sera sans doute l’heure rêvée pour donner un nouveau boost au développement de ce sport urbain, favorisant l’émergence de petites nations dans une série de compétitions continentales et mondiales bien formatées.

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La coupe du monde de 3X3 avait lieu la semaine dernière à Nantes, une fête populaire en plein centre de la ville ligério-bretonne place des Machines, à deux pas de l’éléphant géant de la compagnie Royal de Luxe, sur l’Île de Nantes. Un endroit original et touristique, parfaitement approprié pour accueillir une compétition d’une discipline « trendy », Nantes a longtemps été « the place to be » pour les nouveaux artisans de la nouvelle économie française, dynamisme et infrastructures urbains obligent! Nouvellement adoubée par le mouvement olympique, la discipline peut maintenant tracer son chemin dans les interstices médiatiques et y gagner des points. Le grand chef d’orchestre des compétitions, le Directeur général du 3X3 à la FIBA, le Catalan Alex Sanchez semblait très heureux du succès de sa Coupe du Monde en France. « Si l’on considère que sous des températures de 35 degrés et malgré des queues pouvant atteindre jusqu’à deux heures d’attente aux abords du site, c’est en effet notre record de popularité. »
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Le 3X3 est un sport tourné vers l’avenir ou plus exactement c’est un sport qui comprend très bien son temps. L’usage de la communication sur les réseaux sociaux y est primordial. Tout est pensé depuis Mies dans les bureaux de la FIBA où le boss du 3X3 peut compter sur les brainstormers que sont les hommes de la com’ Patrick Koller et Julien Debove, ce dernier étant spécifiquement rattaché au 3X3. On voit bien que la FIBA a pris le virage du web avec un compte Youtube largement alimenté par des vidéos où on peut facilement avoir le sentiment d’être dans le match… Magie de la réalisation, in the zone, fulgurance du commentaire au verbe délié et au style intense. « Avec cette compétition, on a battu des records en termes de vues sur Youtube et on a dépassé le million de « J’aime » sur Facebook. D’un point de vue réseaux sociaux, on est fort… » analyse Alex Sanchez.
Un objet médiatique sexy
D’un point de vue couverture médiatique, les affaires sont bonnes pour le 3X3. Impossible au moment de notre conversation téléphonique de maîtriser les audiences sur quelques-unes des chaînes sportives qui ont retransmis plusieurs des rencontres en direct. « SFR Sport (chaîne du groupe media/telecom Altice) a diffusé sur les marchés français et suisse en direct et en replay les matchs ainsi que plusieurs chaînes de différentes régions du monde, avec une belle exposition au Pays-Bas » précise le directeur du 3X3 à la FIBA. Il faut dire que de nombreuses petites nations ont eu cet honneur d’accéder à une phase finale d’un cousin du basket-ball. Gageons que pour de grands pays comme les Philippines ou la Corée du Sud, le jour de gloire pourra arriver en « professionnalisant » la pratique à la manière des skateurs sponsorisés ou des équipes de la Champions League FIBA. « On a eu une audience importante dans des pays comme les Pays-Bas mais la beauté de ce sport est qu’on peut aussi accueillir une équipe des îles de Cooke », une toute petite nation du Pacifique voisine de la Nouvelle-Zélande. « Le système tel qu’il est mis en place favorise la participation des toutes petites nations aux côtés des grandes. » Et à la fin, c’est quand même la Serbie qui gagne?
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VIDEO: Pour découvrir le concours de dunk du Mondial 3X3, c’est sur ce lien.


La compétition, c’est aussi le dunk context avec Chris Staples et Jordan Southerland, les concurrents américains et quelques-uns de ses collègues au top dans la discipline dont l’acrobate Rafal Lipinski et Vadim Poddubchenko.

Oui la Serbie est une nation de basket, il est assez logique de la voir briller sur demi-terrain bleu avec Dusan Domovic Bulut, et ses trois collègues Marko Zdero, Marko Savic et Dejan Majstorovic, tous par ailleurs membres du club de Novi Sad Al-Wahda. Les champions du monde ont gagné, « cela prouve une chose, c’est qu’ils jouent merveilleusement bien ensemble depuis plusieurs années. » Il y a aussi des jeux un peu moins léchés, plus bruts, c’est une donnée assez intéressante, le 3X3 réprime les contacts violents mais ne peut toujours juguler l’intensité des échanges. Le jeu va très vite, l’engagement physique des joueurs est décuplée dans des phases de « money time », proche de la fin des 10 minutes autorisées. En voyant les Philippines opposées à la Corée-du-Sud, on a eu parfois l’impression de voir un ring plus qu’un court de basket 3X3. « Vous évoquez le match le moins représentatif de toute la coupe du monde nantaise, le plus moche en termes de fautes. Mais c’est un peu l’exception dans le lot des 80 rencontres cette année. Cette intensité est due à la nature du jeu, vous allez vite tout le temps, il n’y a pas de transitions, contrairement au basket à cinq, vous ne pouvez pas marcher après un certain temps de jeu. Il y a aussi moins de place sur le terrain, ce qui peut donner l’impression qu’il y a plus de contacts. Les défenseurs n’ont pas toujours le temps de se protéger comme au basket à 5… » explique Alex Sanchez.

Mais le bon côté des choses, c’est le spectacle et l’animation autour de ces matchs de 10 minutes favorisés par une satisfaction très rapide du fait du format de l’attaque, obligatoirement limitée à 12 secondes pour l’enclenchement du tir. « Les retours des spectateurs, sponsors et observateurs est que nous sommes plus qu’un sport. On considère le 3X3 comme une vraie fête », c’est une attraction dans un décor urbain pour tous les publics en effet. « La musique rythme constamment le jeu, l’intérêt est en train de monter du fait que l’on devient un sport olympique. Cela fait une grosse différence car les pratiquants du 3X3 vont s’améliorer d’ici aux JO. Les sponsors ne sont pas insensibles à ce qui nous arrive » sourit Alex Sanchez. C’est l’âme du banquier d’investissement qu’était le directeur du 3X3 dans une autre vie professionnelle qui parle. Pour que son sport devienne une ligue télégénique avec des clubs dans chaque pays où son sport a fait éclore une équipe nationale compétitive, il faudra de l’argent, du retour sur investissement avec des audiences TV/Réseaux sociaux et plus de relais médiatiques diversifiés. Ne nous trompons-pas, nous ne sommes qu’au début du phénomène, il faudra plus de 12 secondes pour que le 3X3 inscrive le « Buzzer beater » (panier décisif à l’extrême limite du temps réglementaire) synonyme d’arrivée dans la cours des grands sports collectifs. En tous cas, c’est un début de vie en fanfare. Rendez-vous en 2020 pour vérifier si Tokyo s’enflamme pour le descendant naturel du street-basket: le 3X3.

David Glaser, zieggla@gmail.com

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