Les Eurockéennes de Belfort se tiendront du 6 au 9 juillet 2017 dans le dynamique Territoire de Belfort en Franche-Comté. Un rendez-vous calé pour la première fois sur quatre jours dans un lieu historique et toujours aussi magnifique : la presqu’île de Malsaucy. Un site de toute beauté, situé à deux heures et demi de route seulement de l’Arc lémanique et à quelques kilomètres du canton du Jura, qui recevra PNL, Gojira, Jain, DJ Snake, Justice, Vitalic, Editors, Parcels, Phoenix, Royal Blood, Hubert-Félix Thiéfaine, Moderat, Solange, Chinese Man, Alaclair Ensemble, Devendra Banhart, Savages, Killason, Her, La Femme, Lorenzo, Iggy Pop, Gucci Mane et Arcade Fire… parmi les 70 formations invitées. Point fort du festival, son exigence artistique toujours aussi élevée et un certain sens de l’harmonie entre les styles rock, indie, metal, electro, hip-hop et soul.
Win Butler (à droite) et ses collègues d’Arcade Fire, en feu d’artifice final le 9 (DR)
La Franche-Compté a son petit paradis du rock, c’est Belfort. Avec ses 110 000 habitants, Belfort est une agglomération dynamique. Elle a son fort Vauban, son lion de Bartholdi, oui le Bartholdi qui a sculpté la statue de la Liberté de New-York et sa petite sœur parisienne et son festival, troisième élément d’un triptyque solide comme du roc(k). Belfort voit l’avenir en rose avec ce festival qui la place sur la carte mondiale des grands rendez-vous de la musique alternative à haute valeur ajoutée, au même titre que Rennes (Les Trans), Pilton (Glastonbury), Reading ou Indio (Coachella). Les Eurocks auront 30 ans l’an prochain et c’est peut-être ce qui les rend si incontournables cette année, à l’heure des pop-up festivals ou des machines à billets (de concerts) tels que Main Square à Arras, un festival brandé « Live Nation », le plus gros vendeur de tournées et de concerts du monde avec ses contrats d’exclusivité avec les plus grands noms (Radiohead, System of a Down).
Vue du ciel sur la presqu’île de Malsaucy, qui a parlé de paradis? (droits réservés)
Avec Belfort, on est dans le « bucolico-révolutionnaire ». L’organisation a des valeurs bien ancrées dans le paysage de cette ville industrielle récemment secouée par des annonces effrayantes de plans sociaux drastiques dans ses usines Alstom. La ville respire la créativité avec son théâtre de la Poudrière (ouvert aux musiques actuelles et désormais géré par l’équipe des Eurockéennes), son spin-off des Eurocks le festival d’émergence Génériq rayonnant sur plusieurs sites de l’est et enfin sa proximité avec la Suisse, l’Allemagne, l’Alsace (à qui elle a été un temps rattachée) et la Bourgogne. Belfort est un havre de paix, une sorte d’oasis de musique en rupture avec l’urgence parisienne et le foisonnement lémanique. 30 ans, ce sera pour 2018, pour le moment on se concentre sur une édition 2017 qui fleure bon la prolongation, avec le but en or: celui de donner plus de plaisir aux spectateurs, lui garantir un séjour inoubliable pour pas cher (154 euros les quatre jours… il reste encore des places) ou 46 euros par jour (à comparer avec les tarifs du Montreux Jazz qui joue certains des artistes programmés aux Eurockéennes en version open air). Plus que trois semaines d’attente et les Eurocks vont donc reprendre du service sur quatre jours du jeudi 6 au dimanche 9 juillet. Une volonté affichée d’étendre l’expérience signée Jean-Paul Roland, le directeur, son équipe de programmateurs (Kem Lalot, Christian Allex et Vivien Becle) et le président du festival, le nouveau propriétaire de Rock en Seine, Matthieu Pigasse.
Rock n’roll et genres associés
Les Eurocks, c’est comme un rendez-vous entre Dame Nature et le rock n’roll le plus intense, en marge de la ville de l’ex-mage souverainiste Jean-Pierre Chevénement, aujourd’hui retraité des affaires, dans un lieu protégé, idéal pour les balades en famille. La presqu’île de Malsaucy possède un decorum de rêve qui ne laisse pas insensible les artistes invités qui y reviennent (cette année, le groupe français de metal-hybride Gojira sera programmé pour la 3e fois mais d’autres comme les Editors y font aussi leur retour). Comment le festival belfortain se situe par rapport à ses confrères français? Sans doute comme un leader, capable sur sa qualité de défricheur artistique d’attirer de magnifiques noms année après année. La France des festivals bouge de plus en plus l’été et le reste de l’année avec plusieurs centaines d’événements petits et grands apparus ces dernières années. Parmi les plus en verve, « Les 3 éléphants » nés dans la campagne du département de la Mayenne, relocalisés à Laval, la capitale, un festival qui monte un peu plus chaque année grâce à une certaine touche artistique maîtrisée. Les Eurocks se placent dans la catégorie des grands rendez-vous populaires bien installés comme les Vieilles Charrues, les Transmusicales de Rennes, le Printemps de Bourges, les Francofolies de la Rochelle, Rock en Seine ou encore le festival des Inrockuptibles, La Route du Rock à Saint-Malo… Eurocks, c’est une marque, un savoir-faire, une expérience unique comme disent les guides touristico-culturelles, oui c’est un vrai NOM de la scène des festivals européens qui circule beaucoup en Suisse depuis que la radio publique Couleur 3 joue la carte de la couverture du grand rassemblement franc-comtois de ce début d’été. Cette année, l’équipe de la « Trois » va devoir réduire la voilure côté récit en direct de l’événement. En revanche, les deux héros de l’émission légendaire « Krakoukass » sur Couleur 3 réunis sous la bannière du Rhinoféroce DJ Crüe, seront les seuls vrais représentants suisses de la prog’ cette année. Ils prendront la scène Loggia d’assaut dès 17 heures. DJ Franckfrançois et MC Dujany vont faire swinguer les couettes de ses dames et faire se balancer les valseuses de ces messieurs. On ne doute pas de leur pouvoir de persuasion micro en main et micro-ordi « embranché » dans la source au son ou dans l’arbre à bruit. Conseil d’ami, prenez des bouchons d’esgourdes pour pas finir sourdingues si vous « headbanguer » devant la baffle.
Une prog rap diversifié avec PNL, Booba, Gucci Mane ou le « maître du sale » Lorenzo
Premier album pour le groupe de rap PNL et premier festival pour ces artistes français dont tout le monde parle dans la Francophonie jusqu’aux Etats-Unis d’Amérique. « Je n’ai pas souvenir qu’un groupe de rap ait suscité autant de curiosité » commente Kem Lalot le programmateur, « c’est un très gros succès dans le milieu hip-hop avec une production incroyable, un style qui est le leur. Je comprends que les programmateurs de Coachella se soient intéressés au point de les inviter. » Il n’y aura pas eu de Coachella pour PNL cette année pour des raisons de visa pas validé pour l’un des musiciens… cruelle Amérique. L’année prochaine sera peut-être une toute autre histoire pour le groupe français qui monte en Europe et aux USA, espérons pour le rayonnement de la culture hip-hop à l’étranger. Les Eurockéennes de Belfort seront donc bien les premiers à attirer les frangins Ademo et N.O.S. de PNL (Peace n’Love), leur cloud rap résonnera sur le grande scène le 6 juillet pour le jour de l’ouverture. Pas de visa nécessaire pour le duo parisien. Pas de visa spécial pour Gucci Mane qui sera le 7 juillet, toutes basses à donf’ lancinantes sorties, loins de ses bolides rutilants dans ses vidéoclips classés 3XL avec ses pépées gonflées à bloc (Check for yourself dans ce duo brûlant avec la New-Yorkaise originaire de Trinidad et Tobago Nicki Minaj. ) Ce sera du show en live dans le plus pur style Trap-hip-hop comme on fait depuis le début en Alabama, Floride, Géorgie, Louisiane, Tennessee et Texas.
VIDEO: INTERVIEW INTÉGRALE AVEC LE PROGRAMMATEUR KEM LALOT A VOIR ICI
La grande scène avant de recevoir Major Lazer pour le soundcheck en 2015
La grande attraction finale sera Arcade Fire bien sûr. Il s’agit de la référence du rock mondial, un peu comme U2 à une autre époque. Le groupe est situé dans une catégorie un peu plus marginal cependant, « indie-dépendance » oblige. Les Canadiens sont revenus avec un des deux Daft Punk aux manettes, c’est Thomas Bangalter. Autre aide de choix: Steve Mackey du groupe Pulp lui aussi se place aux commandes dans cette coproduction de luxe plus groovy que jamais. Ils seront sur scène le dimanche 9 juillet comme pour un feu d’artifice final avec un son toujours aussi épique et beaucoup de classe dans le visuel. Les Montréalais ont développé un jeu de lumières et d’images sur une smoke box, donnant à leur show une touche originale de plus.
D’autres noms pêle-mêle: Jain, l’auteure de la chanson pop «Come», révélation de Paléo l’an dernier. Son spectacle est une « grand messe », un échange plus que cordial avec son public enamouré. A voir aussi DJ Snake, le dj français qui a composé le single «Turn down for what» ou «Let me love you» pour un certain Justin Bieber. Autre présence chérie par les organisateurs Hubert-Félix Thiéfaine, un jurassien français élevé à Dôle près de Dijon présent pour la énième fois sur la presqu’île mais accompagné d’un orchestre symphonique: l’Orchestre Victor Hugo de Franche-Comté. Autre habitué des Eurocks, Editors, un groupe de rock anglais très mélodieux, adulé par les Flamands. Programmés comme Thiéfaine, le vendredi 7 juillet, la bande à Tom Smith débarquera sur la grande scène pour passer en revue les chansons de leur dernier album « In Dream ». Le coup de cœur de Kem, c’est Parcels, groupe australien produit par un Daft Punk (pas Thomas Bangalter cette fois, mais Guy Manuel de Omen Christo) devrait être l’une des récréations groove les plus remarquables de la scène de la plage.
LE LINE UP DES 4 JOURS: toute la programmation 2017 des Eurockéennes de Belfort
Voici quelques coups de cœur en vrac, (je pourrais en écrire une vingtaine mais je vais tenter d’être plus sélectif): Solange, la petite sœur de Beyoncé, avec un son plus nuancé et plus engagé que Queen B. Pour la petite histoire – et ça en dit long sur le caractère de Solange Knowles – c’est elle qui avait défendu sa sœur en passant un savon mémorable au beau-frère infidèle Jay Z dans un ascenseur dans une triste soirée de déballage désagréable pour la famille Knowles, mais très utile pour faire connaître la sœur de la destiny’s child en chef. Une Miss So au fort caractère est née ce jour là aux yeux du grand public. Elle a gagné le respect de beaucoup de femmes bafouées à travers le monde du même coup. Les chansons de Solange sont plongés dans des thématiques engagées, des questions raciales impossibles à déminer. Ses textes sur la condition des noirs aux Etats-Unis sont des exemples de justesse. L’album « A seat at the table » met plus bas que terre tous les préjugés contre les Afro-Américains au pays de Donald Trump et de feu-Rodney King. « Don’t touch my hair » est un hit qui selon le New-Yorker traduit la colère de l’artiste. Elle traite aussi de l’envie folle de plusieurs autres collègues artistes noirs d’affirmer que leur culture est un énorme plus pour cette société américaine multiculturelle encore trop dominée par des riches blancs (à la mèche orange?). Solange est aussi une amatrice de musique indé, elle a d’ailleurs créé son propre label indépendant en Louisiane d’où est originaire sa grand-mère. Saint Records ou l’art d’approcher le R&B à la marge, tout ce que l’on aime mettre en valeur à Belfort.
« J’leur fais toujours à l’envers, j’mets de l’harissa dans leur camembert », Booba.
Autre coup de cœur, Booba, rappeur décrié – pour ses postures incompréhensibles sur les attentats de Charlie Hebdo – mais à l’écriture efficace. Le MC de Boulbi (Boulogne-Billancourt, 92, commune d’accueil de l’ancienne régie Renault, du Parc des Princes et de TF1) cumule les punchlines dévastatrices et les slogans hip-hop trempés dans le fiel de la banlieue ouest de Paname. Elie « Booba » Yaffa a le sens du verbe et de la mélodie. Alaclair Ensemble, dans un autre genre, est un groupe canadien loufoque, hop-hip plutôt qu’hip-hop tant leurs vers vont à l’envers des flux de la mode… alors Calice de Caribou en rut, pantoute option… tu vas-tu les voir à la Loggia le vendredi 7 juillet! A voir aussi un groupe programmé au Paléo: The Lemon Twigs et son gros succès mondial à la manière de Tame Impala il y a quelques années. Lemon Twigs est un groupe psyché-rétro en phase avec l’actualité musicale très variée et diversifiée de 2017, une tendance généreuse en clins d’œil au passé avec des influences des années 70 et même des années 60 pour le cas des Twigs avec du R&B de Motown, des emprunts de style aux élégants Steelers Wheel ou aux cousins éloignés du Creedance Clearwater Revival. Une vraie encyclopédie du Classic rock.
VIDEO: LFM recevait Suississimo.com pour parler des Eurocks 2017, à voir ici
Dernier coup de cœur, l’artiste electro Vitalic qui sera cette année, le maître de cérémonie de la programmation de la scène de la Plage le samedi 8 juillet. Le DJ et créateur d’electro originaire de Dijon a déployé un trésor d’originalité dans sa proposition avec l’aide des programmateurs Christian Allex et Kem Lalot. Entre la révélation dark-pop Fischbach et le lumineux Tuxedo (et son influence discofunk évidente) emmené par Mayer Hawthorne, je vous recommande Thomas Azier, un artiste hollandais inspiré avec une magnifique voix. Ce sera le samedi 8 juillet. Il fera chaud à la Plage et on pourra enfin penser au plaisir d’être en vacances en France, entourés de festivaliers peut-être un peu trop bourrés mais certainement bons camarades de soirée. A Belfort, on aime bien communier.
David Glaser, zieggla@gmail.com