Suississimo a suivi la campagne pour la présidentielle française de Suisse. Vu d’ici en Helvétie, deux candidats se démarquent largement: François Fillon et Emmanuel Macron, deux « libéraux » qui veulent « décadenasser » l’économie et rendre dynamique un marché de l’emploi atone depuis tant d’années. Les Français expatriés dans la Confédération voteraient très majoritairement pour eux le 23 avril. Créer des jobs, c’est ce que veulent aussi des candidats comme Benoît Hamon ou Jean-Luc Mélenchon mais les Français de Suisse ne semblent avoir d’yeux que pour le candidat très controversé des Républicains et le jeune « outsider » d’ « En Marche ». Rencontre avec des fans suisses des candidats que Méluche associe au monde de la finance.
« La Suisse vote majoritairement à droite. » C’est ce que tout expatrié français entend généralement après quelques semaines de vie dans la Confédération. Pourtant s’il y a un pays où la social-démocratie est particulièrement bien implantée, c’est bien la Suisse. François Hollande s’y est essayé et s’y est visiblement cassé les canines faute de réformes couronnées de succès, faute de courbe de chômage et de croissance qui s’inversent. Au point de finir aujourd’hui comme un vaurien, comme un « sans-dents », avec une courbe de popularité à un chiffre. La social-démocratie, Macron en est aujourd’hui le garant, mais aurait-il les moyens de réussir là où Hollande a échoué? Pas si évident de le dire à la lecture de son programme ambitieux mais fourre-tout, sorte de compilation de tout ce qui se fait de mieux pour favoriser l’emploi, la formation, l’augmentation des prestations, la possibilité de démissionner tout en touchant aussitôt des indemnités chômage.
Les partis aux idées ultraconservatrices en Suisse doivent souvent mettre de l’eau dans leur chasselas et se ranger derrière la loi de la concorde, de l’intérêt collectif dominant et appliquer avec constance « une culture du compromis », ce qui n’empêche nullement aux différentes strates gouvernantes du pays d’être relativement dynamiques et enclines à réforme. C’est impensable en France, le système découlant de préceptes républicains malaxés par des politiciens aux comportements typiquement monarchiques empêche cette flexibilité, notamment en matière d’économie. La peur d’être bloqué, la peur d’être invalidé par des contre-pouvoirs tels que les fédérations syndicales (pas seulement la CGT dans l’industrie mais toutes sortes de syndicats dont celui de la magistrature…)
Les candidats français envoient leurs émissaires
A quelques jours du premier tour de la présidentielle française, quasiment tous les représentants suisses des candidats français majeurs ont fait parler d’eux. On notera d’abord la présence, sur les comptes e-mail des français de l’étranger inscrits en Suisse, de Benoît Hamon, d’Emmanuel Macron et de François Fillon. Un des chefs de file de la campagne de ce dernier (avec qui il serait en froid), l’ancien Président de l’Assemblée nationale sous Sarkozy Bernard Accoyer est venu à la rencontre des Lausannois. Le « porte-parole » du candidat sabolien venu de France voisine est le maire d’Annecy-le-Vieux. Il est aussi député de Haute-Savoie. Le Républicain ne s’est pas trop forcé pour défendre le candidat officiel de son parti très chahuté ces derniers mois (jusqu’à ce mardi où il aurait été visé par un attentat qui a été déjoué). Il faut dire que le public français réuni à l’Hôtel Continental de Lausanne, tout récemment, était acquis à la cause du candidat sarthois.
Voici un résumé express et en vidéo de quelques questions de supporters de François Fillon et les réponses de Bernard Accoyer, invité de l’élue des Républicains Claudine Schmidt. Une personnalité locale pour les français de Suisse car c’est la députée de la 6e circonscription (Suisse et Liechstenstein).
Le Front national a ses adeptes même ici en Suisse, on ne peut s’empêcher de trouver ceci un peu curieux pour un parti si « franco-centré » mais ils auraient été en campagne en terres helvétiques selon des militants d’En Marche présents sur le marché du samedi à Lausanne (je ne les ai pas personnellement vus, ça reste donc à vérifier).
Les Socialistes suisses en revanche étaient là pour sûr sur la place de la Palud (là où est installé l’Hôtel de Ville lausannois) pour faire campagne pour les Cantonales qui arrivent à grands pas. Les Socialistes vaudois comptent parmi leurs représentants une binationale nommée Margaux Isler, une femme politique née aux Grisons qui a habité le Valais avant de partir en France à l’âge de 7 ans pour faire son retour en Suisse en 2011. Elle est aujourd’hui conseillère consulaire au consulat général de Genève, responsable de la section vaudoise du PS des Français à l’étranger. Seulement voilà, ni Margaux Isler, ni ses collègues socialistes franco-suisses n’occupent ne serait-ce qu’une petite place sur le stand du marché en ce début avril. Dominique Gigon, secrétaire du PS lausannois précise, « nous n’avons pas été sollicités pour faire une place à nos camarades socialistes français installés en Suisse. Nous ne l’avons pas fait par le passé non plus. » Donc la caravane passe en Suisse sans les Socialistes de l’ « Hexagone » qui n’ont pas su profiter de leurs cousins helvètes tellement implantés dans le paysage vaudois. Benoît Hamon n’a donc pas saisi cette belle opportunité de chasser sur les terres que son ancien ex-collègue du gouvernement Emmanuel Macron (en fait ils se sont succédé. Ils n’ont donc pas été associés dans l’équipe gouvernementale). L’ancien ministre de l’économie a ses supporters français. On a rencontré place de la Palud le trader Jean-François Scymczak, un habitant de Saint-Sulpice sur La Côte (à quelques kilomètres à l’ouest de Lausanne). Cela fait vingt que ce « centriste » de cœur vit en Suisse. C’est un amoureux de l’Europe et il explique pourquoi Emmanuel Macron est le meilleur pour lui.
David Glaser