CONTINUONS D’ETRE CHARLIE

Les héros de Charlie sont morts debout comme disait Charb leur rédacteur en chef en pleine conférence de rédaction à Paris. Morts au combat en quelque sorte. Sur ce massacre, beaucoup de haine va ressurgir contre la population maghrébine… c’est inévitable malheureusement et c’est bien sûr une grave dérive que de céder à l’islamophobie. Une très grande quantité de musulmans dans nos pays démocratiques et dans les pays où l’islam est une religion majoritaire sont de très bonnes personnes ouvertes aux autres. Les musulmans ou les hommes et femmes de culture musulmane ne sont pas responsables de ce qui est arrivé le 7 janvier 2015. Ils le diront face à des accusateurs voulant céder à la facilité de faire des amalgames. Les islamistes, intégristes, fondamentalistes, ceux qui portent leurs paroles de haine partout où c’est possible sont les vrais responsables. Ce sont eux les dangereux personnages que nous devons combattre par nos écrits, nos prises de positions et nos débats. Il ne faut pas avoir peur face à des malades haineux. Il faut rester debout par respect pour ceux qui ont été massacrés de sang froid le 7 janvier. Je suis triste pour les journalistes et dessinateurs morts debout, alors qu’ils ne faisaient que leur travail avec honneur et conviction. Je suis triste pour leurs familles et leurs proches. Je les embrasse bien fort. J’aime la presse, c’est mon univers, ma passion mais je suis aussi souvent exaspéré par le manque de courage de mes confrères et consœurs journalistes qui s’autocensurent en pensant qu’ils vont jeter de l’huile sur le feu. Faire des reportages, « éditorialiser », caricaturer, blaguer, disserter sur les grands malades qui menacent la démocratie est plus que leur devoir, c’est la raison d’être de tout journaliste, être garant de la liberté et de valeurs fondamentales du « Vivre ensemble » sans haine mais avec humour quand c’est possible. Avec un dessin, c’est bien sûr possible. Charlie se moquait avec dureté parfois, c’est vrai… mais c’était leur job et il n’y avait pas d’autres alternatives que de le faire là où Plantu, le Canard Enchaîné, Marianne et quelques autres étaient un peu trop seuls à le faire dans une presse installée et bourgeoise. Fakir, le Monde Diplo, Vigousse en Suisse  et tout un tas de journaux satiriques français locaux prônant des valeurs saines pour la vie démocratique relèvent cette mission de lutter contre les gens qui veulent diviser les citoyens, contre l’affairisme qui gangrène nos villes et villages… A Charlie, une conférence de rédac’ se vivait comme un espace d’échange sympathique au service de l’humour et de l’humanisme. On charrie ses amis dans les pages de Charlie et on s’attaque aux fous furieux qui bousillent le monde avec leurs dogmes moyenâgeux et insupportables, c’est normal, rien de plus logique, c’est le jeu démocratique! Les unes de Charlie étaient savoureuses, parfois de mauvais goût mais elles n’ont jamais fait autre chose que de faire avancer la réflexion sur le monde et ses dérives autoritaires, machistes, violentes et meurtrières. J’ai travaillé avec Philippe Val dans l’émission que je coproduisais avec José Arthur sur France Inter en 2006. José adorait commencer l’émission « Inoxydable » avec une revue de presse des dessins satiriques et on se marrait toujours beaucoup à l’entendre. Je suis triste pour Philippe et ses amis qu’il a perdus. Ils étaient aussi les miens dans une communauté de penser et un groupe qui réfléchissait sur le futur de notre planète. Le 26 mai 1996, la une de Charlie sur la corrida – un des sujets préférés de Philippe Val et sa bande – m’avait fait hurler de rire. On y voyait un fondamentaliste de l’Islam déguisé en toréador mettre à mort un cureton… un parallèle habile. Une belle une pas spécialement audacieuse, juste marrante, juste intelligente dans une France qui réfléchissait et qui souriait en ces temps déjà moroses post-guerre du Golfe. Aujourd’hui, c’est un jour très noir pour la France et pour tous les pays démocrates. Charlie Hebdo ne faisait que son devoir avec talent, plaisir et courage. Cet acte abject ne restera pas sans réponse. Tous ceux qui ont de près ou de loin critiquer un régime avec des arguments qui répondent à une logique de valeurs démocratiques savent qu’il est plus que temps de se tourner un petit peu plus vers les autres, de s’ouvrir et de ne s’attaquer qu’à ceux qui veulent faire taire le jeu de la démocratie et de la République, un jeu sain qui n’a pas trouvé son pareil jusqu’à ce jour. Après ce 7 janvier 2015, rien ne sera plus jamais comme avant. Je le sens au plus profond de moi. Je suis Charlie comme beaucoup de lausannois qui ont eu le réflexe rassurant de se réunir en silence (c’était quand même bien trop silencieux… j’aurais aimé crier sur cette place de la Riponne mais personne ne fait ça ici) dans un recueillement respectueux des amis et des familles des défunts journalistes et policiers. Une conférence de rédac’ chez Charlie était bien vivante, bien à l’opposé de ce qui se passe chez certaines boutiques de presse qui oublient un peu trop leur devoir d’informer dans le respect de la démocratie et du bien commun. C’est un cruel paradoxe que d’horribles criminels se soient imposer dans un lieu où la joie de faire ce métier avec conscience et professionnalisme régnait pour tuer de nobles et gentilles personnes, profondément humaines. Il sera temps après-demain de perpétuer cette joie du journalisme. J’espère que vous l’êtes aussi, que vous comprenez que Charlie Hebdo désenclavait la banlieue, parlait aux petits bourgeois intellos de VII ème arrondissement comme aux classes sociales disqualifiées de Sarcelles ou de Garges les Gonesse, d’Allonnes ou de Sotteville-les-Rouen. Charlie Hebdo a ouvert les vannes pour les jeunes journalistes comme moi qui en 1992 attendaient tout de ce monde et de nos médias : de l’humour, de la dérision, de la critique mais aussi des textes conscients contre la bêtise humaine. Charlie était tout ça et je ne remercierai jamais assez mon patron à la radio de mes débuts qui nous avait abonner à Charlie Hebdo. J’ai donc commencé ce métier en dévorant les croquis de Cabu. Ses analyses étaient humaines et à travers son trait de crayon indémodable, c’est toute la classe du bonhomme anticonformiste, anti-beauf, anti-cons qui transparaissait. Quelques années auparavant, j’avais  commencé mes mercredis après-midi avec Cabu dans Récré A2, mieux que les cours de dessin à l’école, on apprenait la satire dès l’âge de 5 ans. Même la télé publique pour enfants avait compris le génie de ce garçon, merci aux dirigeants de la chaîne de l’avoir mis en avant, beaucoup d’enfants francophones se sont initiés à la caricature avec le nez de Dorothée. Tous les autres talents du journal s’exprimaient avec la même verve et la même inspiration, le même sens du trait qui taille un costard, du mot qui fait mal et qui fait rire en même temps. Ils vont nous manquer cruellement. Puisse cette atroce tuerie réveiller les consciences et la raison qui dorment en chacun de nous. Oui c’est un réveil qu’il nous faut, c’est une guerre contre la médiocrité des illuminés qui se réclament de Dieu et qui tuent en son nom. Halte à tous les fondamentalismes quels qu’ils soient à l’église, au travail ou dans les clubs où on socialise : soutenir ce journal qui allait mal financièrement depuis plusieurs mois (années?) est ô combien important pour notre démocratie aujourd’hui et nos valeurs. Paix aux âmes de Charb, Cabu, Wolinski, Bernard Maris, Tignous et les autres victimes de ces horribles individus. Que les valeurs de Charlie survivent et prospèrent. C’est urgent de s’en rendre compte et mesdames et messieurs les journalistes du monde entier, il est de votre devoir de continuer à épingler les cinglés qui justifient des actes les plus détestables au nom de Dieu. Aujourd’hui et à jamais, je suis Charlie David Glaser

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