MORRISSEY PARLE

Morrissey est en concert à Lausanne ce dimanche 2 novembre 2014 aux Docks de Lausanne. L’occasion d’en savoir plus sur l’artiste pop le plus singulier de ces 20 dernières années selon Pitchfork était trop belle. Avoir Steven Patrick Morrissey en interview est un plaisir rare. Grâce à la co-organisatrice du concert Solstice (Ishtar Music), on entre très vite en contact avec l’artiste, qui ne rechigne pas à donner de sa personne, à condition que l’intervieweur soit très motivé. Qu’elle en soit ici chaleureusement remerciée. Après l’envoi d’un mail exposant les thèmes que je souhaitais aborder avec l’ex-chanteur des Smiths, les réponses longues, cinglantes, argumentées arrivent par mail. Je suis heureux de les livrer pour le premier post de ce blog suisse musical et médiatique. C’est un SuississiMoz que je vous propose. Bonne lecture, David.

SUISSISSIMO – L’album «World Peace Is None of Your Business» enferme plusieurs messages très politiques et actuels. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous mêler du débat sur nos gouvernants?

MORRISSEY – Je pourrais me tromper mais je suis à peu près sûr qu’Adolf Hitler a perdu la guerre. D’une certaine façon, chacun doit faire face à la dictature de son propre gouvernement et à l’utilisation variable que fait chaque pays de son autorité. La tension est réellement montée d’un cran ces derniers temps. Il n’y a jamais eu autant de gens malheureux. On veut tous le changement. Cette volonté teintée de colère s’est particulièrement vue lors du Printemps Arabe. La tension est exacerbée par une montée incompréhensible de l’hostilité des représentants politiques à l’encontre des peuples qui les ont élus. Je pense qu’il est temps de réformer nos constitutions à tous les niveaux car on n’est plus en 1940, du moins selon mon calendrier.

-A l’écoute de la chanson qui introduit votre 10ème album solo, vous remettez le système électoral en cause, comme si voter revenait à se faire arnaquer?

En Angleterre, voter est un jeu de dupe. Notre système politique se limite à deux partis majoritaires. Aucun des deux n’a le pouvoir de rendre les gens heureux ou simplement satisfaits. Aucun des deux n’écoute le peuple une fois qu’il accède au pouvoir. Les politiques n’ont jamais été aussi peu convaincants et la plupart d’entre eux semble jouer à merveille cette farce. En conséquence, très peu de gens votent. L’Angleterre a un Premier Ministre qui n’a même pas été placé à son poste par la voix du peuple. Ce gouvernement se ridiculise et se détache toujours plus des citoyens. On n’attend tellement rien du monde politique que le vide intellectuel de cette classe politique est devenu le vrai visage de l’Angleterre d’aujourd’hui. Je ne peux pas parler du Royaume-Uni puisqu’il n’a rien d’uni.

-Plus concrètement, comment vous conformez-vous à ce devoir de citoyen britannique, à cette lutte pour le respect légitime de votre voix? D’ailleurs, votez-vous?

Non, je n’ai jamais voté car mon vote est trop précieux pour moi. Je ne l’utiliserai pas dans le seul but de me débarrasser de quelqu’un pour le remplacer par quelqu’un d’aussi corrompu. Tous les pouvoirs appartiennent au peuple, et pourtant le cirque politique n’en fait jamais état.

-Quel serait, selon vous, le meilleur moyen démocratique de respecter la voix de la population d’un pays ?

La question est plutôt : voter pour quoi exactement, pas l’acte physique de déposer un petit bout de papier dans une urne. Les médias britanniques n’autoriseront jamais un troisième parti à prendre de l’importance. Si un parti parvenait néanmoins à émerger, une campagne serait automatiquement engagée pour le salir, ce qui n’arriverait jamais aux deux partis majoritaires. Nous n’avons plus aucune perspective de changement et quiconque dit qu’il a une meilleure idée est tourné en ridicule. Un gouvernement central devrait être constitué de membres d’au moins cinq partis politiques majeurs. Ainsi, les différents points de vue seraient nombreux et représenteraient au mieux la population. L’idée même d’un parti alimentant un gouvernement de ses représentants simplement parce qu’il passe avec quatre votes de plus que les autres est ridicule. Un grand nombre d’habitants du pays n’ont même pas voté pour eux. Margaret Thatcher ne serait peut-être pas devenue la femme la plus détestée d’Angleterre si elle avait vraiment gagné quatre élections. Le nombre de personnes qui ont voté contre elle était pourtant incroyablement plus élevé que le camp qui a voté en sa faveur. La famille des «Premiers Ministres» va bientôt réaliser à quel point elle est impopulaire. Ils agissent contre le peuple et surtout par malveillance. Le système plaçant au pouvoir un premier ministre ou un président est désuet, il ne marche plus. Aujourd’hui, le genre humain est tellement ouvertement varié qu’on ne peut plus se tourner vers le mec ringard, macho, sexiste, marié et va-t-en-guerre. La vie n’est plus comme ça.

DEPRESSION, SUICIDE, PERVERSION PARENTALE ET REMEDES 

-D’où vous vient cette inspiration pour la tension qui existe au sein de familles? Vous racontez dans la chanson « Staircase At The University » le suicide d’une étudiante qui n’a pas réussi aux examens?

Je suis bien conscient de certaines situations rapportées par les médias, comme ces jeunes qui se suicident après un échec aux examens. Bien sûr c’est horrible et stupide. L’histoire familiale, l’influence de l’entourage de la victime sont peut-être liées à cette décision d’en finir. On est tous soumis à un certain devoir de réussite, et quand nos faiblesses sont connues, alors tout le monde autour de nous les exploite. Les gens les plus forts et les plus efficaces sont ceux qui se moquent de ce que les autres pensent. C’est pourquoi l’expression de chacun est, je pense, conditionnée par ce que ceux notre entourage veut entendre.

-Qu’est-ce qui pousse un père de famille à déshériter ou rejeter son propre enfant pour des résultats scolaires insuffisants ou un choix professionnel impopulaire?

A la décharge des parents, ils ne sont pas toujours conscients de la détresse de leur enfant, et beaucoup de parents pensent à tort que pousser leur enfant va le rendre plus fort. C’est peut-être vrai si ton enfant est un athlète, mais pas s’il étudie la physique. Il faut aussi considérer que certains parents n’aiment pas leurs propres enfants. Donc ils n’ont pas de scrupules à les faire se sentir comme des moins que rien.

-Personnellement, vous sentiez-vous soutenu ou rejeté dans votre choix de faire de la musique?

Ce ne fut pas plus que ça un problème car je n’ai pas fait d’études de toutes façons. Donc, on n’attendait rien de moi. Ce n’est pas comme si, destiné à devenir un astronaute, je décidais soudainement de joindre The Harlots of 42nd Street. Mon propre avenir était assez tristement entre mes mains, et je pense qu’il était généralement entendu que je sauterais d’une falaise, donc passer à la télévision tout à coup pour chanter « This Charming Man » est apparu comme une bien meilleure option.

-Quel genre de conseil de grand sage pourriez-vous donner à quelqu’un se retrouvant dans cette situation?

Je ne suis ni devin, ni un druide doté de pouvoir magique, donc je ne peux me targuer d’avoir un quelconque don de projection, mais j’ai du vécu et je pense que l’existence est douloureuse pour de nombreuses raisons. Nous sommes tous gouvernés par des sentiments de perte, de peur, de solitude, d’épuisement et par le souci de notre apparence, de notre intolérance… alors nous ne devrions pas être trop intransigeants vis-à-vis de nous-mêmes, vu ce qui se met en travers de notre route chaque minute. Bien sûr, nos sociétés ne montrent qu’une image colorée et artificielle de ce que nous devrions avoir et comment nous devrions vivre, même si personne ne vit comme ça.

LA VIE DES ANIMAUX DOIT ETRE RESPECTEE

-La corrida, la cruauté envers les animaux… on fait souffrir avec pour seule excuse de respecter des traditions. Avez-vous compris pourquoi ces pratiques sont encore approuvées?

L’esclavage a été une tradition, ainsi que les exécutions publiques, la ségrégation et la torture organisée, le travail des enfants etc… Quand le peuple s’est exprimé et a demandé que toutes ces barbaries soient abolies, l’Eglise et les gouvernements ont fait barrage. C’est précisément ce qui se reproduit aujourd’hui. Les peuples doivent reprendre le contrôle des événements. Certains l’ont fait au sujet de la qualité de notre nourriture ou en attirant l’attention des puissants sur les risques du réchauffement climatique. Si une tradition existe, ça ne veut pas dire qu’elle est utile ou juste. Tu attends de tes élus qu’ils soient civilisés, mais les gouvernements agissent rarement avec émotion et réflexion. Malheureusement, leur préoccupation majeure reste l’argent. Ce sont des individus en dehors du pouvoir qui répondent directement aux attentes émotionnelles des gens, que ce soit Charles Dickens ou Karl Marx. Les gens au pouvoir ne sont jamais des poètes. Ils devraient l’être.

-Dans la chanson, «The Bullfighter dies», la mort du toréador est salué comme une sorte de contrepoint. Pensez-vous que les non-végétariens ou ceux qui n’ont aucun scrupule sur le sort réservé aux animaux peuvent quand même voir l’absurdité de ce combat morbide?

Tout d’abord, il n’y a pas vraiment de combat car personne ne s’attaque vraiment directement au taureau. L’animal est maltraité et torturé avant d’être vicieusement assassiné. En Espagne, il est massacré dans une arène, alors qu’au Portugal, ils tuent le taureau en dehors du champ de vision des spectateurs. Evidemment, tuer un taureau au nom du divertissement est humainement l’acte le plus stupide et cruel. C’est une honte pour les pays qui l’autorisent. Je serais peut-être impressionné si le matador ou autres picadors approchaient le taureau sans épée ou s’ils ne disposaient de protection de cuir sur les extrémités des cornes. Mais ils ne font pas face au taureau de manière égale car ils sont tout simplement lâches. Quand le matador est grièvement blessé, on dit que la corrida s’est mal passée. Mais pourquoi? Ce n’est pas du tout un combat mais une torture. Tuer chaque être vivant au nom du divertissement est moralement, intellectuellement, culturellement, au regard de la religion ignoble. On n’a aucun droit de faire ce que l’on veut avec les êtres vivants.

-Ceci étant dit, pensez-vous que la mort du toréador, qui sait ce dans quoi il s’engage depuis le début, est d’une certaine manière moins tragique que celle de l’animal qui n’a jamais rêvé d’être célèbre ou riche grâce à l’événement?

Bien évidemment, les taureaux ne peuvent nous parler de leur mort atroce, de leur humiliation, de leur souffrance intense, la systématique torture opérée sur leurs congénères. A Londres, sur Park Lane, il y a une statue pour les animaux sur laquelle est écrite «Animaux engagés dans la guerre, ils n’ont pas eu le choix». Cette phrase est très bien mais pourrait aussi bien être remplacée par «Animaux envoyés à l’abattoir, ils n’ont pas eu le choix». Les humains se voient toujours comme au centre de tout, ils n’ont généralement aucune pitié pour les animaux. Dans le cas de la corrida, la pitié du public ne vient que si le matador prend accidentellement la place qui aurait dû revenir à celle du taureau. Pourquoi seul l’animal mériterait de mourir ? Qu’est-ce qu’il a fait de mal? C’est le matador, pas le taureau, qui crée cette situation. Cela finira par être aboli par la loi bientôt mais les gens doivent pousser un peu plus loin la contestation.

-Non seulement vous vous exprimez sur la consommation de viande, mais vous faites interdire dans vos concerts les marchands de viande grillée. D’autres végétariens n’auraient pas mélangé leurs convictions avec le porte-monnaie des membres de l’industrie des festivals?

Je ne sais pas pourquoi les gens sont si silencieux alors que nous sommes tous des êtres dotés d’une morale dans le sens où nous nous opposons au meurtre de notre prochain, au vol… Pourquoi alors si peu de compassion pour les animaux? Si nous devions protéger un être humain sans défense en train d’être abusé, on interviendrait en une seconde? Pourquoi y a-t-il si peu de pitié quand il s’agit d’un animal dans un abattoir? Est-ce simplement dû au fait que ce qui se produit a lieu loin du regard du public? En Angleterre, les blaireaux sont gazés jusqu’à la mort puisqu’ils sont une menace pour les revenus économiques des agriculteurs. Pourquoi aucun élu ne peut réagir et leur dire que l’argent n’est pas la seule raison de vivre? Ils ne peuvent tout simplement pas le faire. Est-ce qu’un seul type de cruauté est acceptable à partir du moment où il permet à quelqu’un quelque part de faire de l’argent. Il y a quelques années, j’ai joué au festival de Glastonbury en Angleterre, mais Michael Eavis, l’organisateur a refusé de me laisser montrer un clip pendant la chanson «Meat is Murder» car il m’a dit que ça perturberait les enfants. Je lui ai expliqué que les animaux dans le clip n’ont pas demandé à être dans le film et que si le festival vendait des hamburgers, alors pourquoi les enfants ne pourraient-ils pas voir comment ils sont faits? N’est-ce pas éducatif? Il m’a alors expliqué qu’il avait une ferme et que ses vaches étaient très heureuses, et c’est pour ça qu’il ne voulait pas que le film soit montré. Mais comment sait-il que ses vaches sont heureuses? Est-ce qu’elles chantent et dansent lorsqu’ils les amènent à l’abattoir avec leurs collègues de troupeau? Comment les animaux pourraient protester? Ils ne le peuvent pas et on peut compter sur des personnes comme moi pour que je sois leur porte-parole.

INCOMPREHENSION OU SOUTIEN DU MONDE DE LA MUSIQUE? 

-Lors de l’interdiction de vente de viande, quelles ont été les conséquences? Y a-t-il eu des représailles ou simplement une stigmatisation autour de votre personne?

Je ne me sens pas concerné par un quelconque retour de bâton car vous entendrez seulement des avis défavorables sur vos actions de la part de gens qui ne sont de toutes façons pas vos amis. Alors, qu’est-ce que ça peut bien faire?

-Mais quelle a été la réaction de l’industrie musicale sur ce cas précis?

Bien, j’ai fréquenté 307 labels ces quelques dernières années! Je ne pense pas qu’un seul d’entre eux sache quoi faire avec moi. Ce qui étrange, c’est que je ne pense pas avoir de convictions extraordinaires. Je ne suis pas extrémiste. Je ne suis tout simplement pas un zombie.

-Y a-t-il des festivals qui vous ont soutenu alors que ne vous ne vous y attendiez pas?

Oui. On m’a demandé si je voulais revenir dans deux festivals majeurs. Ils ont même fait le serment de créer pour la toute première fois un événement sans viande ni poisson. Si ça arrive, ce sera historique. En revanche, ça n’arrivera pas à Glastonbury à cause des opinions de Michael Eavis. On verra ! Le monde change. Des gens montrent le chemin et certains suivent.

-Il semblerait qu’un nombre important d’écologistes admirent vos vues sur la protection des animaux et les actions pour interdire la vente de viande grillée.

Quelle que soit ta liberté de traiter les animaux, à la fin cela revient à estimer comment tu t’autorises à traiter les humains. Manger des animaux au 21ème siècle est ce que le tabac était au 20ème. C’est un désastre pour les animaux, un désastre sanitaire pour le consommateur et un désastre écologique pour la planète. Tu ne peux rien faire de pire que de manger de la viande. Même la guerre, aussi horrible soit-elle, est chargée d’une certaine dose de morale si l’on cherche bien, alors que manger de la viande provoque à coup sûr des catastrophes à tous les niveaux.

-Y a-t-il d’autres pays où ces actions ont été reçues très positivement?

Oui. Le mensonge sur la viande fournissant des protéines ne dupe plus aucune personne intelligente. La maladie de la vache folle a été déclenchée quand les fermiers ont nourri leur troupeau avec de la viande, donc la viande n’a en rien aidé la vache, elle l’a au contraire tuée. Le rhinocéros, l’éléphant, l’hippopotame sont végétariens. Ont-ils l’air d’être mal nourris et de manquer de protéines? Et qu’en est-il du taureau? Les carnivores pourront toujours s’énerver contre les végétariens ou les vegans… ils savent secrètement qu’ils se sont faits rouler dans la farine avec cette histoire de viande bonne pour leur santé. La plupart des maladies modernes sont dues à la consommation de viande et ça provoque des dommages irréparables.

-Que pensez-vous de ces pays qui répondent favorablement au respect de la protection des animaux?

Chacun d’entre nous a une capacité à ne pas différencier le bien du mal, c’est comme si on s’en vantait. Même l’éternel optimiste ne peut ignorer que l’élevage en batterie est mal sur tous rapports. Ce n’est pas une coïncidence que les hommes qui travaillent dans les abattoirs souffrent presque toujours de problèmes psychologiques. C’est une blague courante de dire que seules les personnes désespérées travaillent chez McDonald’s. Et c’est vrai. Nous n’entendons jamais parler d’une personne d’une très grande puissance morale et d’une forte capacité intellectuelle dire «mon but est de travailler pour Kentucky Fried Chicken», parce que McDonald’s et KFC sont considérés comme les dernières solutions quand on ne trouve pas d’emploi.

-Y a-t-il eu des endroits où vous avez joué où le respect des animaux était complètement bafoué? Comment peut-on alors accepter de jouer dans des endroits comme ceux-ci?

J’ai joué à Porto au Portugal il y a plusieurs années et j’ai remarqué dans une vitrine d’un restaurant le corps d’un agneau débarrassé de toute sa peau. Et c’était censé attirer le chaland ! Je ne pense pas avoir vu quelque chose d’aussi atroce de toute ma vie.

-Est-ce que l’ouverture et le respect des animaux manifestés par des militants de certains pays vous incitent à venir y jouer?

Je pense que c’est plus utile d’aller jouer dans les pays où il y a de l’intolérance envers les animaux parce que sinon tu marmottes avec tes propres potes. Ceci dit, je ne choisis pas méticuleusement les villes pour leur insensibilité. Je vais juste où je vais. Oui, l’influence des nazis est partout mais il y a des gens bien partout aussi.

-Vous êtes d’origine irlandaise et vous avez grandi en Angleterre. D’après-vous, quel est le rôle de la communauté qui jouit d’une grande majorité culturelle dans un pays vis-à-vis des minorités?

Je ne pense pas que les communautés minoritaires se renforcent par l’inclusion de leurs langues dans les programmes scolaires des communautés majoritaires. Je pense que c’est le contraire qui se produit puisque la plupart des gens se fractionnent pour rester avec le groupe le plus susceptible de les comprendre. On pense tous qu’on a un pouvoir divin sur l’endroit dans lequel nous sommes nés, et on veut le préserver et s’accrocher à ce pouvoir. C’est très peu probable par exemple que Buckingham Palace devienne une mosquée. Le multiculturalisme en Angleterre n’existe que dans les zones géographiques défavorisées.

PEOPLE HAVE THE POWER

-Avec cette débilité profonde des reality shows, le bien mauvais état de la pop culture, la folie guerrière, les pays devraient-ils vraiment à tous les niveaux être contrôlés par le peuple?

Oui je le pense, car tu ne dois pas élire des hommes parce que tu vois à la télévision! Ce medium est devenu un repère pour consommateurs de saucisses, écervelés, parce que l’internet a libéré tout le monde de la dictature des quelques chaînes. Ainsi il n’y a toujours pas de danger que les téléspectateurs des chaînes principales votent pour d’autres idées. Les jeunes participants dans ces «talent shows» déshumanisés au possible, ne ressemblent pas vraiment aux jeunes d’aujourd’hui. Le télévision génère des programmes qui sont aussi vite consommés, aussi vite oubliés, avec des maniérismes ultra-caricaturaux, des thématiques sur l’obsession du régime, du voyeurisme autour du divorce… Le tout dans un environnement où bruit et applaudissements pour aucune raison valable sont constants. Les spectateurs sur les plateaux hurlent leur excitation dès que quelque chose a trait au sexe. La télévision a fait un bond en arrière alors que le monde continue d’avancer très vite.

-En tant qu’Anglais, qu’est-ce qui vous rend sensible à la culture francophone?

J’ai toujours aimé la dramaturgie hautement superficielle de la musique française. Charles Aznavour avec « Emmenez-moi/Take me along » par exemple. J’aime la colère fanatique que contiennent certains films. Les arts sont pour moi sublimés, quand les fêlures et les échecs sont magnifiquement exprimés. Je n’aime pas le sourire stérile et asexué de cette artificielle pop music d’aujourd’hui, cette dance-techno incolore… C’est ridicule tellement c’est si peu convaincant. Edith Piaf portait une petite robe noire et chantait sur une scène vide sans grande amplification. Elle faisait trembler les murs. La plupart des chanteurs modernes ne peuvent monter sur scène à moins d’avoir 500 danseurs autour d’eux. Personne ne peut juste se poser seul sur scène et juste chanter.

-Après les Etats-Unis, l’Irlande, l’Italie, vous semblez aimer séjourner de plus en Suisse. Un pays qui a eu mauvaise presse pour son accueil de riches évadés fiscaux.

Je visite la Suisse au moins cinq fois chaque année et j’en suis très heureux. Je ne crois pas que dès qu’une personne est riche, il faille automatiquement la noyer. Ma grande tristesse est plutôt le commerce de la fourrure de chats qui est fait en Suisse. Je n’ai pas besoin d’extrapoler. Cela donne une très mauvaise image de la Suisse comme cela serait le cas n’importe où ailleurs. Ce n’est pas nécessaire et cela doit cesser. Laissez les animaux vivre leur vie comme vous avez le droit de vivre la vôtre.

MORRISSEY AIME LAUSANNE

-La région de Lausanne est un endroit où beaucoup d’auteurs français ou francophones se sont installés. Est-ce que cette ville avec sa beauté, son calme et la sécurité de ses rues pourrait être un lieu que vous apprécieriez assez pour y vivre?

Je connais très bien Lausanne. Vous ne m’avez jamais vu escalader la colline qui mène au centre de la ville? Je suis la personne qui spraye les affiches publicitaires de McDonald’s et des steak-houses. Je suis fasciné de voir que d’autres personnes ont aussi commencé à le faire.

-Vos fans vont être heureux de lire votre autobiographie traduite en français, avez-vous supervisé ce travail?

Non, pas du tout.

-Mais comment pensez-vous que les allitérations et les nuances du langage vont être reconstituées dans la traduction?

C’est difficile à dire car le livre a été écrit dans le style de mon expression parlée et ça peut perturber les gens. C’est souvent ce qui se passe.

-L’écriture de votre livre vous a-t-elle aidé à comprendre qui vous étiez en 1983. Qu’aurait pensé le Morrissey de 1983 de votre musique et de vos prises de position aujourd’hui?

Je pense que le Morrissey de 1983 aurait été très proche de celui de 2014. Je suis celui que j’ai toujours cherché à être.

-Que pensez-vous de votre musique et de votre personnalité de 1983 maintenant?

En 1983, j’étais asexué et dépressif chronique. Les deux vont bien ensemble, mais ne sont pas d’une grande aide. C’est assez inhabituel d’être suicidaire et de trouver le succès soudainement parce que tu es suicidaire.

-Avez-vous été très contrarié par les annulations de vos concerts à cause de la maladie?

Il n’y a rien de pire que de devoir annuler et la décision me revient toujours. La récente tournée américaine fut fantastique jusqu’à ce fameux rappel au concert de Boston quand je me suis évanoui avant d’être transporté d’urgence à l’hôpital. J’ai mis cinq semaines pour m’en remettre et pendant ces cinq semaines, Harvest m’a viré. Donc je me suis demandé si la vie pouvait être pire que ça.

-Si vous pouviez décrire votre concert idéal (le type de salle, de public…), quel serait-il?

C’est impossible à dire. Que ce soit une salle où les gens sont debout ou dans un hall d’opéra, ça me va de toutes façons. La soirée dépend de certaines électrodes qui vont s’allumer… ou pas… et si elles ne s’allument pas, il n’y a rien que vous puissiez faire.

-Vous avez salué l’intelligence de certains de vos fans qui ont très bien saisi le sens de vos chansons et qui ont posté des clips vidéo faits par leur soin pour promouvoir des chansons comme « World Peace Is None of Your Business » sur les plateformes vidéo. En revanche, le travail de l’équipe de Harvest n’a pas été à la hauteur, comment voyez-vous le rôle des réseaux sociaux dans l’évolution de ta carrière?

Cette démarche de la part de fans a aidé ‘World Peace Is None of Your Business’ d’une telle façon que le label n’aurait jamais pu y parvenir. Les gens comprennent alors que les si «brillants et créatifs» patrons de Capitol-Harvest refusent de comprendre. Cela prouve que le label n’est pas dirigé par des acheteurs de disques. A la place Harvest souhaitait garder un message stérile et que les albums soient seulement manufacturés pour atteindre le Top 50.

-Comment auriez-vous imaginé que ce monde de sites internet, réseaux sociaux et distribution en ligne affecte les Smiths s’il avait existé dans les années 80?

Cela aurait été parfait parce que les chansons couvrent tellement de sujets alors que la plupart des groupes ne peuvent pas aborder plus d’un sujet dans tout leur répertoire. Les Smiths te prenaient à la gorge… mais c’était très vaste. Cela entraînait les gens à faire une analyse de certains types de cinéma et littérature. Je ne pense pas qu’Abba ait déjà eu à faire ça.

MORRISSEY, SDF DES MAISONS DE DISQUES 

-Pensez-vous qu’avec tout ce que vous avez eu à subir avec Harvest, les labels en général, soient vraiment intéressés par le but de faire des bénéfices avec l’artiste?

Capitol voulait relancer le label Harvest avec un album crédible. Mais ils ne voulaient pas à avoir affaire à moi comme être qui vit, respire et a sa propre opinion. Une fois qu’ils ont un album de Morrissey, ils peuvent alors attirer de jeunes groupes et les faire signer sur le label grâce à la «carte de visite Morrissey». Je souhaite bonne chance à ces groupes… sans parler de courage.

-Y a-t-il une alternative pour ces artistes qui cherchent à être signés?

Je pense que l’industrie est verrouillée et contrôlée par les cinq plus gros labels. Ces labels s’arrangent entre eux pour la place de vainqueur aux Grammy Awards ou aux Brit Awards, etc… L’idée est d’utiliser l’artiste pour promouvoir le label. L’artiste, en chair et en os, n’est rien. Comme une vache laitière, quand l’artiste cesse de rapporter, on lui coupe la gorge. Il n’y a pas d’amitié entre le label et l’artiste.

-Propos recueillis par David Glaser et Amy Araya.

Morrissey en concert aux Docks de Lausanne, dimanche 2 novembre 2014 (complet) http://www.docks.ch/evenement/morrissey et à l’Event Halle de Bâle, lundi 3 novembre (90-130 CHF) http://www.baloisesession.ch/fr/session/characters-0

Merci à l’équipe des Docks (Laurence Vinclair, Annouk Dietschi) et à Ishtar Music (Solstice Denervaud).

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