La Dolce Vita d’Edgar et Céleste

La « Dolce »? Une passion lausannoise. Pas une semaine sans qu’on parle de cette bulle de rock logée dans un virage de la rue César Roux aux abords du CHUV et du gymnase du Bugnon. J’ai fait un double entretien audio « presque croisé » de deux membres d’une même famille unis par la musique : Edgar Cabrita et sa fille Celeste. Le premier est documentaliste sonore à la RTS à La Sallaz, quartier du nord de Lausanne, un ancien photographe amateur durant les années de 1988 à 1992 à la Dolce Vita (qui a existé entre 1985 et 1999). La seconde, Celeste, est une artiste et graphiste talentueuse, diplomée de l’ERACOM. Un livre à quatre mains en quelque sorte, reprenant quelques-unes des photos oubliées d’Edgar et retrouvées dans un carton qui dormait depuis plusieurs années par Céleste, un livre au format papier mis en forme avec originalité par cette même Céleste. Il est sorti il y a quelques mois et il s’appelle « La Dolce, deux regards ». Sa parution arrive une année avant les 40 ans de la naissance du club lausannois.

Chanteur de punk hardcore conscient et entertainer de classe mondiale, Henry Rollins par Edgar Cabrita

Lausanne est le terrain de jeu du père et sa fille, un peu plus peut-être pour Edgar, issu d’une famille portugaise installée dans l’agglomération lausannoise (Prilly) depuis plusieurs années. Il se passionne très tôt pour la musique des années Dolce, une alternative au Top 40 des radios FM devenues commerciales, portée par des programmateurs dénicheurs de pépites, notamment ceux de la radio publique RTS-Couleur3.

Pour Edgar, Lausanne est de fait « son centre du monde musical », en particulier pour le rock alternatif français (Mano Negra, Les Garçons Bouchers…), la funk fusion d’Urban Dance Squad, de FFF, ou encore la poésie lettrée de Passion Fodder ou de Dominique Dalcan. Il s’ouvre également à des musiques plus exploratoires, comme celles de Madredeus, ces Lisboètes au propos enchanteur ou au hip-hop déjà source de passion pour les B-Boys du monde entier.

L’interview audio avec Edgar est captivante. Appareil photo en main, on l’imagine sur scène ou en coulisses, dans cet écrin où la magnificence semble inévitable. Ou chaque image raconte une histoire, une émotion, une scène éclatante de sueur, de son, chaque photo ravive des souvenirs dans la voix du professionnel de la musique à la radio.

De son côté, Celeste accepte mon appel quelques jours après, alors que je suis entre deux rendez-vous, dans un bar, la discussion est agréable, remplie de cette passion sincère et du respect pour la musique et les arts que j’aime tant lors de ces rencontres, qu’elles soient au téléphone ou en personne. Céleste met en lumière cette période passée avec cette curiosité qu’ont les enfants quand ils découvrent la « boîte à chaussures » de vieilles photos de famille. La famille s’appelle Dolce Vita et rassemble une jeunesse lausannoise éprise de rock et de sensations fortes. La « Vida loca » à la Lausannoise bien avant l’explosion du Flon et de ses soirées folles.

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Nous explorons les racines du projet, racontées avec enthousiasme par Celeste. Le travail de mémoire d’Edgar est prolongé par la vision graphique de Céleste. Un héritage musical qui s’est nourri d’anecdotes et de sélection entre les nombreuses photos.

Le travail d’édition de ce livre de photos de concert de La Dolce Vita est très beau. Il vient compléter les travaux de Yves Leresche et de quelques autres photographes lausannois. « La Dolce, deux regards » est un élément de qualité incarnant cette richesse d’une passion vivante pour la culture rock et les musiques apparentées des années 80 à aujourd’hui. Et cette notion de communauté est bien présente au détour des pages de cet opus.

Un roi de la funk-pop, Keziah Jones par Edgar Cabrita

En marge la sortie de ce livre exceptionnel, plusieurs fans et acteurs de la Dolce préparent un événement festif autour de l’anniversaire de la naissance du club (il aurait eu 40 ans en 2025), les 4 et 5 avril prochains à Lausanne, mais silence dans les rangs, c’est encore un petit secret.

David Glaser

Photo de couverture : Gang Starr (Edgar Cabrita, le 10 décembre 1992)

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