Je commence cette Coupe du monde U19 en discutant avec mon voisin de pupitre dans la zone presse de la splendide Vaudoise Aréna — qui, soit dit en passant, me fait penser à une version compacte et moderne d’une salle NBA. Fonctionnelle, au design épuré, elle possède surtout une acoustique redoutable : elle retient les applaudissements comme une caisse de résonance. À mes côtés, un jeune scout de Texas Tech s’est trompé d’emplacement : une rangée est normalement réservée aux recruteurs dans la tribune nord.

On échange sur l’Allemagne, où le jeune Christian Anderson, qui fait partie des stars de l’équipe de Texas Tech, enchaîne les prouesses. On parle aussi du MVP de la finale, AJ Dybantsa. Mais Anderson mérite lui aussi quelques lauriers dans ce Mondial qui a vu s’illustrer deux armadas : les États-Unis, bien sûr, avec leur effectif débordant d’énergie, d’explosivité, de sang-froid et d’adresse létale, mais aussi l’Allemagne, portée par deux « bigs » impressionnants : Eric Reibe et surtout Hannes Steinbach, un power forward qui m’a fait la plus belle impression du tournoi.

Team USA U19 n’a pas encore la maestria de ses aînés. Dybantsa n’a pas encore la puissance brute de LeBron ni la dextérité ciselée de KD — mais ça vient. Probable futur numéro 1 de la Draft NBA 2026, il ne fait pas dans la dentelle : il fonce dans la peinture à l’énergie, sort les pinceaux pour finir ses drives en finger roll, en reverse impeccables, parfois même en arabesques à la Kobe. Et dire que l’arrière de Brigham Young University n’a pas encore joué une minute en pro… Une démonstration de facilité, enrichie d’un sens du spectacle que ne renieraient ni Michael Jordan, ni Tyrese Haliburton (ni Anthony Edwards, selon les préférences).

On reparlera du phénomène au moment de la Draft, fin juin 2026. En attendant, le diamant brut décroche son premier grand titre : champion du monde avec la sélection U19 des États-Unis. Mention spéciale aussi à ses coéquipiers les plus en vue : Mikel Brown Jr, Tyran Stokes (deux héros de la finale), Koa Peat, Morez Johnson Jr, et le meneur-passeur redoutablement efficace JJ Mandaquit. Victoire. Bravo !

Deux experts du basket-ball moderne rencontrés après la défaite de la Suisse contre la Nouvelle-Zélande en quart de finale donnent leur avis sur l’évolution du basket suisse, européen et américain chez les U19. David Kappeler et Jessy Sauvain partagent la mène au sein de l’équipe 2 de Romanel Basket, l’un habite Jouxtens-Mezery, l’autre Le Mont-sur-Lausanne, ils viennent découvrir l’U19 en voisins. Le premier est un shooting guard prolifique particulièrement habile à trois points, le second un shooter-casseur de défense, un combo guard-forward comme ça se fait beaucoup dans les championnats US. Tous deux partagent une connaissance quasi scientifique du basket américain. Leur regard est acéré, leur vision du jeu appréciée.
Israël face au tumulte du sport et du contexte géopolitique
L’équipe d’Israël a affronté la Suisse dès le début de la compétition, dans une ambiance tendue. Une manifestation d’ampleur s’est tenue à l’extérieur de la salle. Le public protestait contre la présence de la sélection israélienne à Lausanne. Vingt et un mois après le 7 octobre 2023 et l’attaque du Hamas qui a pris la vie à de nombreux innocents, le conflit israélo-palestinien reste enlisé, avec une situation toujours aussi dramatique à Gaza, où les civils continuent de subir les opérations militaires israéliennes visant à éradiquer le Hamas. On compte à ce jour environ 60’000 morts dans le camp palestinien. Les jeunes joueurs israéliens savent qu’ils font l’objet de quasi toute la couverture médiatique mais que peuvent-ils faire, ils représentent un pays qui se defend. En ce sens, Israël n’est pas dans l’illégalité.

Composée principalement de joueurs issus du Maccabi Tel-Aviv et des centres de formation du Hapoël Tel-Aviv ou de l’Hapoel Hemek Hefer, Ironi Ness Ziona, Hapoel Gilboa Galil ou Halo Tel-Aviv. Il est évident que cette équipe veut incarner une autre image d’Israël. Une image de jeunesse, de talent et de sport. Les joueurs affichent une joie sincère sur le terrain, désireux de représenter leur pays avec honneur, de montrer autre chose, on n’est pas déçu. Après avoir montré d’entrée l’unité et la fluidité qui les caractérisent.

Parmi eux, le meneur Rany Belaga s’impose comme le véritable chef d’orchestre. Polyvalent, adroit et lucide, il guide un effectif talentueux aux côtés de ses relais Omer Mayer et Oren Sahar. Il manque un joueur dans cette sélection Ben Saraf. 19 ans et arrière, il jouait à Ulm l’an dernier en ligue professionnelle allemande et menait l’équipe de Bade-Wurtenberg et a rejoint l’équipe des Brooklyn Nets aux côtés d’un Américano-Israélien Danny Wolf. Les deux joueurs ont été draftés en 26 et 27e position. Cela en dit long sur l’état du marché de la formation en Israël, pays de 10 millions d’habitants et doté d’un petit championnat, efficace cependant avec une locomotive plusieurs fois championne d’Europe en Euroligue, le Maccabi Tel Aviv.

Le match contre la République dominicaine a été particulièrement intense pour Rany Belaga et ses collègues : « Ils nous ont mis une pression énorme en défense. Ils nous ont dominés plusieurs fois, mais on a su hausser notre niveau d’intensité pour gagner. Je suis fier de notre réaction », explique le joueur, à la sortie d’un match pivot dans la compétition, une rencontre qui leur donnera de la confiance. Malgré les hauts et les bas notés dans la rencontre. «Quand on perd le momentum, on garde notre sang-froid. On joue tous déjà au niveau professionnel, on connaît le jeu, on veut rester calmes sous la pression. On veut que l’équipe comprenne que nous sommes les leaders sur le terrain. On n’a peur de personne », résume Belaga.
Présence des familles
Israël a également croisé le fer avec le Canada dans un match pour le classement, puis la Suisse pour la position finale de 7e. La sélection bleu et blanc a terminé sa campagne en marquant des points devant ses familles venues les soutenir. Parmi elles : Amir, le père de Rany Belaga, le principal du collège où plusieurs joueurs ont été formés, le père d’Ariel Sela et la famille Gold attendait la fin du match de leur fils Tamir. Une présence symbolique forte. Même chose chez les Australiens, autre bonne surprise de ce tournoi avec des joueurs complets qui pèsent sur le jeu, je pense en premier lieu à Jacob Furphy ou Roman Siulepa. Une équipe physique et technique, un peu à l’image de leurs voisins néo-zélandais dont on reparlera ici.




Lors du match Australie -Canada, ce sont les parents d’Emmet Adair et de Alexander Dickeson avec qui j’ai pu échanger. La mère d’Adair, venue de Sydney, décrit son fils comme un « late bloomer », bien qu’elle ne connaisse pas grand-chose au basket, elle sent que Emmett a trouvé une place dans cet effectif et que les bons jours sont à venir. Elle apprécie l’encadrement mis en place pour les jeunes joueurs chez eux en Australie au Centre d’excellence.

Alexander Dickeson, quant à lui, vient de Adélaïde, une région de plus en plus active dans le basket australien et dans la dimension que prend ce sport downunder. L’Australie est sous l’influence et les dollars de la NBA qui voit le championnat océanien comme une deuxième France pour aller puiser dans un vivier intéressant. Dans les tribunes, une famille porte fièrement un maillot de Josh Giddey, le Melbournien star des Chicago Bulls, signe de l’émergence locale dans la grande ligue US.
En Australie, le sport est une véritable religion. Chez les Dickeson, le pedigree est respecté : la mère est une ancienne joueuse de netball, le père basketteur. Le netball, proche cousin du basket, se joue sans panneau ni tirs à trois points mais les gestes ressemblent à ceux du basket. Et c’est un sport essentiellement féminin.



Oh Canada ! Haut Canada
Côté canadien, la curiosité générale entoure Olivier Rioux, géant en pleine croissance mesurant déjà 2,35 mètres (avec chaussures). Véritable attraction pour les bénévoles avides de selfies, il incarne une nouvelle génération de talents. Mais il se déplace avec peine. Le Canada peut aussi compter sur des joueurs impressionnants, comme Jordan Charles, Abdul Aziz Olajuwon (fils du légendaire Hakeem), ou encore d’autres jeunes prodiges comme Spencer Ahrens, Efeosa Oliogu ou Tristan Beckford déjà sur les traces de Jamal Murray et de Shai Gilgeous-Alexander. Le coach Ramon Diaz l’a parfaitement résumé : « Ces garçons ont joué les yeux dans les yeux avec les USA. »

Le groupe canadien s’est également distingué contre la Slovénie, demi-finaliste, en s’imposant par sa puissance et sa rigueur tactique. Côté slovène, les espoirs sont nombreux, notamment avec le phénomène Zak Smrekar, l’un des meilleurs prospects du tournoi que l’on devrait retrouver très bientôt en NBA. Un playmaker, très fort au shoot à 3 points, un défenseur qui ne lâche rien. Car oui le basket se joue très souvent d’abord en défense.

Déception, malgré le statut de gros favoris de la compétition, l’équipe de France a montré très peu de motifs de satisfaction. Difficulté à jouer ensemble, à défendre, à mettre de l’intensité et à tuer le match (voir article sur le match Suisse-France). Quelques bonnes ondes ont émergé quand même par l’intermédiaire de Talis Soulhac ou Léon Sifferlin. Trop peu pour donner une réelle note encourageante. Il faudra du travail et des automatismes avant de revoir cette même génération reprendre les commandes d’un jeu qu’ils ont clairement balbutié.
La palme de l’animation à l’intérieur et à l’extérieur de la Vaudoise Arena revient au public slovène, capable de chanter pendant, avant et après les rencontres de leur équipe. Satisfaction des équipes de Swiss Basket et de la FIBA dans le succès de la compétition tout du long de la semaine. 75’000 billets vendus et des ambiances incroyables. On rêve de ce genre d’événements à Lausanne tous les ans. Bravo aux organisateurs et merci aux nombreux bénévoles.
Par David Glaser (photo d’illustration USA-Canada en quart de finale copyright FIBA)