Il est journaliste et passionné. Avi Assouly est une personnalité de la radio marseillaise comme on en trouve peu. Il a le verbe qui chante et ses élans passionnés tonnent comme un Mistral un jour de tempête. Mais Avi a conclu ce chapitre de sa vie, il s’apprête aujourd’hui à sortir avec une équipe de passionnés un magazine consacré à SON club nommé OH MARSEILLE. L’OM, c’est sa vie. Vie qu’il doit sauve grâce à un certain Bernard Tapie. Récit héroïque, récit homérique, on est à Marseille, bébé et rien n’est trop grand pour ses habitants. (note du rédacteur : Avi Assouly est mort le 14 février 2025 à Marseille, il est né le 5 juin 1950 à Aïn El Arbaa en Algérie, j’adresse mes condoléances à sa famille et ses amis, très nombreux, DG)

A l’antenne, c’était un homme de radio “à la brésilienne”, un commentateur à la gouaille contagieuse, une star de la planète football côté médias mais aussi un bon copain pour les auditeurs surtout lors des déplacements du club, les supporters vivant par procuration leur amour peu chiche pour leur hobby préféré. Un soir de rêve pour l’OM et il crie “gol” pendant des plombes plutôt que de dire «but». C’est moins joli «but», et ça claque moins, non ? Il joue de la syntaxe emphatique pour décrire de classiques entrechats de joueurs de qualité premium ou de bons soldats de la pelouse plus ou moins modestes, c’est vrai qu’à Marseille on aime bien en faire des caisses.
Il y a eu Eugène Saccomano à Marseille puis sur les radios nationales Europe 1 et RTL, il y a Janot Rességuier sur RMC… Et il y a eu Avi. Avi Assouly, véritable légende de la deuxième ville de France, un homme « larger than life » qui a marché au coup de cœur, tout du long. Pour preuve, sa proximité non cachée avec le tout-puissant président Bernard Tapie (dont Netflix raconte la vie à travers une série rythmée appelée « Tapie » depuis quelques jours, Laurent Lafitte y est très crédible), qui avec Pascal Olmeta et deux autres personnes ont eu une intuition salvatrice en le faisant évacuer par hélico le soir du drame de Furiani lors du match de coupe de France Bastia-OM le 5 mai 1992. Il avait été laissé pour mort, sous un drap, après l’effondrement de la structure provisoire qui accueillait public et journalistes.

Mais Avi, c’est aussi un territoire, le bleu de la Méditerranée, de Marseille à l’Algérie où il est né en faisant un détour par Israël, son autre patrie. Cette culture juive le guide, elle lui fait faire des exploits, une “chutzpah” qui lui fera gagner des années, la « chutzpah », c’est du yiddish pour dire culot, audace… Vivre en accéléré, n’avoir peu de rien, survivre à un drame, réaliser ses rêves. C’est tout ça la chutzpa. Avi a eu du nez, il a su s’entourer, il a presque toujours été l’homme qui bondit et rebondit en tous lieux. Encore aujourd’hui.
Le Stade Vélodrome, le 12 août 2023, il est 16h50, je pénètre dans la tribune du presse pour la première fois, j’ai salué les anciens collègues du service des sports de Radio France, Jean-Pierre Blimo et Bruno Blanzat, deux amateurs de foot ultimes et généreux de leurs infos (merci Bruno pour toute la transmission), le premier étant un ancien collègue de virée dans les stades de Ligue 2 (Duvauchelle à Créteil), le second un “jeune ancien” du Multiplex d’Inter présent sur le réseau de France Bleu au milieu des années 2000 pour suivre Auxerre puis Marseille, le club de sa région.
Avi est là et notre rencontre se passe bizarrement. Je pousse un biscuit abandonné sur une table et m’installe à cette même table, sans savoir qu’il s’agit de sa place. Il arrive peu jouasse, je m’excuse et me présente, il donne son nom et je m’exclame, “le célèbre Avi de France Bleu Provence!” Commence une discussion d’histoire sur le sport, la radio et surtout l’Olympique de Marseille. C’est animé, un peu décousu, l’homme a tellement d’anecdotes à raconter qu’il faudrait des années pour les consigner. Il suit le match pour ses followers sur son compte Facebook, intervient encore souvent comme consultant dans les médias et se bat pour ce match de rentrée avec un moniteur offrant les images de la captation aux différents reporters présents. Sauf que cet écran a plusieurs fois décidé de faire grève… On s’en plaint puis finalement on s’en amuse. L’interet est ailleurs, sur le turf du Vélodrome. Le stade vrombit, Marseille est magique. Paris, c’est loin, Le Mans (mon vieux stade Leon Bollée à l’époque du Multiplex, aujourd’hui détruit), aussi.

Avi a terminé sa carrière professionnel comme député de gauche dans un département des Bouches de Rhône politiquement en phase de changement (la fin des années Gaudin, le maire historique de Marseille entre 1995 et 2020 avant Benoit Payant). Il débarque dans le sillage de Marie-Arlette Carlotti devenue quant ä elle ministre déléguée sur le handicap. Avi est un petit nouveau dans le monde des elus, mais il n’est pas un bleu de la politique, ayant observé et fonctionné comme un leader. Mais il apprend. Unanime, il fait un tabac avec notamment une question à l’Assemblée nationale destinée au ministre des Affaires étrangères sur la présence des forces armées françaises dans une république centrafricaine en proie à une guerre civile. Il attire les compliments de Laurent Fabius, ministre en charge à l’époque. Avi est en comme un poisson dans l’eau, il fait ce qu’il sait faire. Fréquenter les plus grands du monde est une affaire connue pour lui. On l’a vu avec le gratin de la politique israélienne (Shimon Perès parmi le plus grands), après avoir servi l’armée d’Israël avec la guerre comme passage obligé.
La France comme terrain de jeu
Ce fils d’un père juif marocain né en Algérie arrive très tôt en France. Il a commencé dans le football au RC franc-comtois, à Besançon, quand il avait 19 ans, ayant quelques minutes gloire sur le banc puis sur le terrain avec le club du Doubs pour trois matchs. En face c’était Lille avec un certain Wateau, “il y a des archives, on avait perdu 5 à 1” me dit-il. Le milieu droit ne pouvait être insensible aux choses du foot grandeur nature et il n’y avait qu’un club qui pouvait accueillir cette personnalité, c’est l’OM. Et cela arrivera le plus simplement du monde car Avi fait la rencontre d’une Marseillaise.
Il travaille au consulat d’Israël à Marseille dans la sécurité et se prend de passion pour le foot, passe des papiers qu’il écrit en hébreu pour le quotidien israélien Maariv a la commission des journalistes professionnels et se fait adouber. « J’ai traduit ces papiers en français pour prouver que j’exerçais le métier de journaliste, je suis quelques mois un pigiste pour un magazine à Marseille qui s’appelle « Crampons ». C’était l’époque où Tapie s’intéressait au rachat de l’OM. J’ai ensuite cumulé les piges pour VSD , le Parisien, le Dauphine libéré et But.”
On est en 86-87, le bon moment au bon endroit pour Avi qui va toucher du micro de Radio Star, une radio locale leader qui faisait le pari de l’OM. A Marseille de toutes les manières, l’OM est dans toutes les têtes et sur toutes les lèvres. Ce n’est pas une question de vie ou de mort, c’est bien plus que ça comme dirait l’entraîneur de Liverpool Bill Shankly. Même ceux qui n’aiment pas le foot savent que l’OM est une vitrine. Certes, une vitrine pour exposer ses nombreux trophées mais aussi pour propulser des carrières au firmament (Emmanuel Macron a relancé la mode en s’autoproclamant fan de l’OM, un fan peut-être mais sans doute de la génération Munich 1993).

Tchatcheur et jouisseur, il pousse la porte de la radio d’Etat, section Provence. « Je rentre à Radio France pour prendre les sons car le titulaire des sports à la radio n’aime pas trop le foot. Puis il y a une nouvelle direction, j’étais pigiste et j’ai pu petit à petit faire des commentaires de matchs. En 92 arrive la demi-finale de coupe de France. On est le 5 mai et le match se joue entre Bastia et Marseille. » C’est le drame à Furiani, le stade de Bastia qui recevait Papin, Waddle, Boli, Abedi Pelé, Olmeta et les autres héros de la Ligue des Champions 1993. Une tribune s’effondre, Avi Assouly fait partie des victimes. On en reparlera un peu plus loin.
Proche du Boss
L’homme de radio a le culot nécessaire pour tenter des coups à l’antenne et ne s’arrête pas devant une ou deux approximations historiques s’il manque d’infos (c’est ce qui a nourri sa légende). Avi est une personne aimée et on lui passe tous ses excès d’enthousiasme à l’antenne. En fait, ses patrons l’encouragent au contraire. Il n’a pas son pareil pour créer du lien. Une voiture de Radio France Provence affiche en trois lettres son nom. Ainsi, on le reconnait et on le laisse passer plus vite. Bernard Tapie l’aime bien et parce que les deux hommes sont proches, Avi ose encore plus fort et fonce tête baissée pour relever quelque défi non imaginable quelques minutes après les avoir pensés.
« Je suis tombé à Furiani alors que je commentais pour Radio France Provence. Je faisais aussi cette pige au Dauphine libéré. Après ma chute et ma rééducation, j’ai repris et Radio France m’a titularisé. Lors du drame, un drap recouvrait mon corps. J’étais mort selon les premiers observateurs, Tapie est ministre de la ville à l’époque et personne ne me connaissait à Furiani. Quelqu’un a vu que le drap bougeait. Tapie me voit lui aussi. Le médecin du club lui dit que je ne passerai pas la nuit, « ça fait rien prends le quand-même » dit l’homme d’affaires. Quelques minutes après, je suis dans l’hélico et on me transfère à l’hôpital d’Ajaccio à la Timone à Marseille et je survis. Trois semaines de coma et un an de convalescence ! »
D’autres journalistes radio ont survécu dont Hervé Béroud de RTL, le comparse de Béroud, Jean-Baptiste Dumas survivra mais mettra fin à ses jours ne pouvant pas supporter les séquelles de l’accident. Avi, Dieu était avec lui ! Pascal Omelta et un certain André Zuria auront joué un rôle prépondérant dans ce sauvetage.

Un an avant, Tapie se présentait à l’élection « et il avait besoin du vote juif à Marseille, il me demande d’organiser un match en Israël. Pour faire jouer l’OM, d’habitude, c’est un million de francs. Je dis à Tapie que j’appelle Boss, « en Israël, ils n’ont pas d’argent mais on va essayer. » Le match allait être organisé pendant la trêve. Un membre de la mairie de Jerusalem avait appelé et c’est ma femme qui a pris l’appel. J’ai un peu plus tard la personne au téléphone… Les Israéliens voulaient Milan, Tottenham, un club tenu historiquement par des Juifs londoniens, et l’OM.” Et c’est l’OM qu’ils vont donc décrocher. Premier match dans une enceinte neuve de 10’000 places, ce qui est très nouveau pour Israël.
“Je dis à Tapie, à 8h30 dans la foulée, c’est bon j’ai un stade et la mairie de Jerusalem a dit ok pour un match entre le 2 et le 4 janvier. Tu as 30 personnes accueillies dans l’hôtel, les billets de la compagnie d’aviation EL Al compris, envoie-leur un fax de confirmation. A 10H10 « Bonhomme », l’assistante de Tapie, envoie le fax pour confirmer. Il y aura une visite des lieux sains et des chambres à l’Hilton. Marseille est en terre promise. Pascal Olmeta a débarqué en Israel avec un ami cher, Andre Zuria ce même André qui était à Furiani avec Omelta, le gardien du temple olympien. Son ami corse ne parle pas anglais, juste français et corse. Avi traduit les tractations de ce pote de Pascal qui est maraicher. Il fera des affaires avec un acheteur de fruits pour un kibboutz (une coopérative de vie, un modele populaire en Israel), grâce au voyage en Terre promise. Des liens d’amitié se forment entre tous les protagonistes. Avi connecte les gens.

Tapie est reçu comme un chef d’Etat. Avi connait les règles du protocole et sait négocier au culot. La visite de Jérusalem est une belle aventure, avec Papin qui a déposé son voeu écrit sur un petit bout de papier (il veut aller au Milan) dans une fente du mur des lamentations, et ça va se réaliser. Boli reçoit d’un prêtre une croix. On est au Saint Sepulchre. Boli marque deux buts lors de ce séjour, Eric Di Meco fait ses débuts et marque lui aussi. Ils sont tous portés par ce qu’ils vivent. Tapie et son épouse voient Yad Vashem, le mémorial de la Shoah. Et les Français peuvent voir la rencontre le soir. Ce voyage est spécial.

TF1 dont Tapie est actionnaire minoritaire reprend le signal de la télévision israélienne. Coup de maître. Thierry Roland et Jean-Michel Larqué débarquent pour commenter le match de l’OM sur la chaîne TF1 du groupe Bouygues. Ce ne serait plus trop possible pour un club de voir un de ses matchs amicaux retransmis sur une si grande chaine aujourd’hui. Mais le foot des années 80 et 90 était une histoire de copains, pleins aux as certes, mais copains tout de même. Et TF1, le club et les annonceurs ont pu vendre des espaces de publicité sur des panneaux du bord du terrain. Bref un carton plein. Aujourd’hui s’apprête à lancer le magazine gratuit OH MARSEILLE sur l’OM et son histoire, son quotidien, ses personnalités qui la font. On vous en reparlera, la Suisse n’est pas loin d’y avoir quelque chose à écrire dedans, après tout Robert Louis Dreyfus, Fabio Celestini, Lorik Sana, Jean-Pierre Egger ou Yves Marchand n’étaient-ils tous pas suisses tout en étant olympiens?
David Glaser
Vidéo réalisée par Magali Art